Malgré l'absence de réponse à mon message de la semaine dernière, et comme promis, voici la suite de cette fiction. Pour la lire à partir du début c'est ici.
Également, une autre fiction, sous forme de nouvelle, est en préparation (elle a pour personnage principal Flake, mais je ne suis pas encore sûre du titre).
Ce soir là
le concert me paru étrange, moi, qui d'habitude, vivait pleinement
chaque seconde du spectacle, je sentais alors mon esprit totalement
ailleurs.Ce qu'il y avait au fond de moi c'était une sensation de
manque. Lou avait été présente à chaque concert, elle prenait des
photos devant la scène, depuis les coulisses... Sa présence, tout
en étant discrète, nous portait depuis des mois. J'avais
l'impression d'être abandonné.
Arriva le moment où nous
interprétions « Amour ». Le texte décrivait l'amour
comme un prédateur qui nous fait du mal, nous blesse, nous tue.
Cette fois-ci, encore plus que d'habitude, les paroles eurent un écho
profond en moi. Alors que je devais chanter le refrain, mon malêtre,
que j'enfouissais depuis des mois, fit surface. L'émotion s'empara
de ma voix. Pour sauver la face je tendis le micro vers le public
pour qu'il chante pour moi. Les autres comprirent que quelque chose
n'allait pas : Richard et Paul reprirent les paroles avec la
foule. J'arrivais, tant bien que mal, à terminer la chanson. Et,
heureusement, après nous faisions un courte pause avant d'enchainer
la fin du programme. Dans les coulisses je me retrouvai avec Flake et
Richard.
- Ça va mec ? me demanda ce
dernier.
- Oui... Désolé, grommelais-je.
- C'est rien.
Ils savaient tous les deux ce qu'il y
avait... Je me vidai un bouteille d'eau sur le visage, histoire de
retrouver mes esprits. Avant de retourner sur scène, Flake me tapa
sur l'épaule :
- Ça va aller.
La fin du spectacle se déroula comme
prévu. Ce soir là nous nous retrouvâmes tous les six dans les
loges. Pas de fans, ni de groupies. Richard déboucha une bouteille
de champagne.
- À Lou, à son rétablissement,
déclara-t-il.
Nous trinquions avec lui. Cette soirée
après le concert fut une des plus agréables que je passais depuis
longtemps, et elle aurait été parfaite si Lou n'avait pas été à
l'hôpital. Personne n'aborda le petit incident sur « Amour »,
et je m'en réjouis car je n'avais aucune envie de m'expliquer. Même
Schneider, qui ne manquait jamais de faire un reproche lorsque l'un
d'entre nous se plantait, ne dit rien. On n'en avait jamais parlé,
mais je savais bien que tous les cinq étaient comprenaient plus ou
moins ce qu'il se passait en moi. Mais ils avaient la décence de me
foutre la paix et je leur en étais plus que reconnaissant. Je me dis
alors que ces mecs là étaient de véritables amis, des frères. Les
temps des disputes et des tentions était derrière nous. Nous étions
épanouis en tant que groupe, en tant qu'amis aussi. Seule la musique
comptait, loin des volontés individuelles d'être mis en avant ou de
diriger. Nous étions au sommet de notre carrière.
Une quinzaine de jours c'est passée
depuis. Lou est sortie de l'hôpital et rentrée chez elle à Berlin.
Ce soir nous donnons le dernier concert de la tournée Européenne à
Prague. D'ici quelques semaines nous nous attaquerons au contenant
américain, au Japon et à l'Océanie.
J'ai pris le temps d'écrire tout ça
cette après-midi parce que j'ai besoin de prendre une décision et
de tout mettre à plat me semble une bonne manière de réfléchir.
J'en viens à la conclusion qu'il va me falloir agir en homme dès
demain, dès mon retour en Allemagne. Il fallait rompre avec Petra.
Petra. Ce matin au téléphone elle parlait de mariage. Je n'avais
rien répondu, la laissant me dire qu'elle avait vu une magnifique
robe dans je ne sais quelle boutique et qu'elle se voyait très bien
dedans à la mairie à mes côtés. C'est clair que cela ne m'aide
pas. Mais peu importe, il faut que j'agisse en adulte pour une fois,
il faut que j'arrête d'attendre que les choses se fassent seules.
Pour dire vrai, j'ai peur. Peur des
pleurs de Petra d'une part, peur de me retrouver seul. Encore. Peur
que les choses ne marchent pas avec Lou. Il va lui falloir du temps,
il va me falloir la reconquérir comme elle le mérite vraiment. Je
veux agir à la hauteur de mes sentiments, et je veux qu'elle ai à
nouveau confiance en moi. Ce qui me fait flipper c'est que cela
prenne trop de temps. Pas parce que je suis impatient, ça je peux
gérer, mais parce que lorsque je suis seul je me laisse trop
facilement tenté par les jeunes femmes autour de moi. La volonté là
à l'instant où j'écris est forte, plus forte que tout, mais je me
connais, je sais à quel point je peux être faible.
L'écriture de Till s'arrêtait au
milieu de la page, pour continuer sur celle qui suivait. L'encre
bleue qui avait rempli la première partie du cahier laissait place à
une encre noire. Je regardais ma montre. Flake ne devrait plus tarder
maintenant. Le baby-phone se mit en marche, Adam venait de se
réveiller. Alors que je finissait de le changer et de le rhabiller,
on sonna à la porte. Je venais à peine d'ouvrir que Flake prit déjà
la bébé dans ses bras.
- Lou n'est pas là, ?demanda-t-il.
- Non, elle est au travail. Une séance
photo pour Vogue aujourd'hui, me semble-t-il.
Flake sourit. Je savais à quel point
cela le réjouissait que Lou ait reprit le travail. Il venait
aujourd'hui pour qu'on commence à parler de notre projet musical. Il
voulait absolument me montrer quelque chose, m'avait-il dit au
téléphone.
Ce projet allait véritablement
prendre forme, je le sentais. Paul était sorti de sa cure depuis
presque une semaine. Il nous avait réuni Schneider, Ollie, Flake et
moi pour nous dire à nouveau à quel point il était essentiel pour
lui de se lancer corps et âme dans le travail :
- Les premières semaines après la
sortie sont décisives, avait-il dit. Les risques de rechutes sont
grands. J'ai besoin de vous, j'ai besoin qu'on se remette à
composer.
Le dernier à convaincre était Ollie.
Mais il dit oui tout de suite. J'émis juste une objection :
- Je suis totalement d'accord pour
qu'on se remettent au travail, dis-je. Mais je ne veux pas que ce
soit Emigrate. Je préfère qu'on prenne un autre nom.
Pas d'objection. Nous verrons plus
tard pour nous trouver un nom. L'essentiel c'était de se remettre à
composer.
Flake se trouvait donc dans mon salon
avec Adam dans les bras.
- Qu'as-tu à me montrer ?
demandai-je.
Il posa Adam dans son couffin et alla
farfouiller dans sa sacoche. Il en sortit des feuilles de papier
griffonnées. Il me les tendis en disant.
- J'ai eu quelques idées pour des
paroles de chansons. Je voulais ton avis avant de les montrer aux
autres. Ce ne sont que des ébauches et j'aimerais vraiment qu'on
retravaille ça tous les six.
- Tous les cinq, tu veux dire.
- Oui, enfin, j'aurais aimé demandé
à Lou de jeter un œil dessus aussi.
- Je ne suis pas sûr qu'elle accepte,
dis-je, mais cela ne coute rien de lui proposer.
Je lisais donc ce qu'il avait écrit.
Je fus tout de suite touché et interpellé par ses mots. Flake avait
un style bien à lui, même si au détour d'un mot ou d'une formule
on pouvait sentir l'influence de Till. Certaines choses étaient
parfois un peu maladroites, mais dans l'ensemble j'étais assez
bluffé. Au point même qu'au détour d'un refrain je pouvais déjà
entendre dans ma tête les bribes d'un riff.
J'étais tellement absorbé par ce
qu'il avait écrit que je ne le vis même pas reprendre Adam et
s'assoir, à tel point que je fus surpris en levant les yeux de voir
Flake assis sur le fauteuil en face de moi avec le nourrisson dans se
bras. Il était un peu gaga avec Adam lui parlant tout doucement et
lui faisant des chatouilles. L'enfant souriait et gazouillait,
agitant ses bras et ses jambes. Je ne pu m'empêcher de sourire.
- Je suis si ridicule que ça ?
Demanda Flake en riant.
- Je n'irai pas jusqu'à dire
ridicule, mais ce n'est pas loin !
- Ce gamin à un effet absolument
dingue : j'ai l'impression d'avoir trente années de moins.
Il baissa les yeux sur les feuilles de
papier que je tenais dans les mains et demanda :
- Alors ?
- Alors je crois que cela ne va pas
être aussi difficile que ça d'écrire des textes. C'est plutôt bon
et ça m'inspire déjà des mélodies et des riffs.
- Malgré tout, je pense que certains
passages ont besoin d'être retravailler.
- Oui, mais c'est une excellente base,
je crois que ça va plaire aux autres. Surtout le texte que tu as
intitulé « Die Stimme », c'est une très bel hommage.
Ces paroles évoquaient Till et la
douleur à endurer son absence. Le refrain disait : « Nous
avons perdu nos mots / Mais le feu de ton cœur / Brule en nous pour
toujours / La voix de nos peine n'est plus / Mais notre mal est bien
réel »
Nous passâmes le reste de
l'après-midi à retravailler ces quelques textes et à discuter du
projet. Il avait réservé un studio à partir de début octobre et
pour deux mois. Je ne vis pas le temps passer, si bien qu'il était
déjà dix-neuf heure.
- Ça te dit d'aller manger au Phan
Rang ? Demanda Flake.
- Je suis toujours partant pour le
Phan Rang !
C'était notre restaurant vietnamien
QG depuis des années. J'adorais vraiment cet endroit, il y avait un
côté retro dans la déco qui m'évoquait le mauvais goût de la
période communiste. Cela me rappelais mon enfance, c'était une
véritable madeleine de Proust ce lieu.
Alors que je préparais le sac avec
quelques affaires pour Adam, Flake téléphona à Lou pour lui
proposer de nous rejoindre là-bas.
- Elle termine dans peu de temps, elle
nous rejoint au restaurant d'ici une heure, me dit-il en raccrochant.
Il voulu absolument prendre le porte
bébé et porter Adam. Dans l'ascenseur nous explosions de rire face
au reflet que nous renvoyait le miroir. Flake avec le bébé, moi
avec le sac à langer : on aurait dit un parfait couple gay.
Peut-être un peu vieux mais cela restait tout à fait crédible !
Tout comme l'année précédente,
l'été était vraiment caniculaire. Les quelques centaines de mètres
séparant l'appartement du restaurant nous mirent en nages. La
climatisation de l'établissement fut plus que bienvenue. Nous étions
entrain de siroter une bière lorsque Lou fit son apparition. Elle
était absolument resplendissante dans sa robe bleu nuit à fines
bretelles se croisant dans le dos. Ses sandales beiges à talons
lui donnaient une allure élancée. Je ne pouvais décrocher mon
regard de cette silhouette, de ce visages, de cette mèche sur sa
nuque qui dépassait du chignon qu'elle avait improvisé et qui
tenait à l'aide d'un crayon. Flake se leva pour se laisser embrasser
sur chaque joue. Elle embrassa tendrement son fils que se trouvait
toujours dans es bras de Flake. Je me lever pour la saluer. Elle mit
ses bras autour de mon cou et déposer un baiser sur ma joue. Je fus
troubler. À ce moment mon regard croisa celui de Flake. Il eut un
petit sourire. Je savais bien qu'il avait perçu mon trouble. Comme
toujours. Il me fit son insupportable regard qui signifie : « On
en parlera plus tard ».
Envie de lire la suite ? Le chapitre 17 est par là.
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