Cette
foutue période ou Till jouait le couple modèle avec Petra... Lou
tentait de faire comme si tout allait bien. Mais c'était de la
poudre aux yeux. L'insomnie la tenaillait, alors elle sortait chaque
soir, dans les bars et les clubs. L'alcool, la musique, les hommes
autour d'elle, c'était le seul moyen qu'elle avait trouvé pour ne
pas affronter ses pensées. Elle ne rentrait jamais seule, enchainant
les conquêtes d'une nuit. Je savais tout ça parce que les cernes
sous ses paupières étaient trop marquées pour que je ne mène pas
mon enquête. Alors, plusieurs soirs, je me tenais en planque en bas
de son immeuble. Elle sortais aux alentours de vingt-trois heures
minuit en général, bien maquillée, habillée trop sexy et perchée
sur des talons hauts. Je ne rentrais jamais dans les établissements,
je ne voulais pas me faire prendre, alors je restais dans ma bagnole.
Au bout de quelques heures elle sortait au bras d'un mec. Vieux,
jeunes, blonds, brun, elle ne se refusait rien.
Je savais que de rester là à
attendre dans ma voiture ne changerait rien à ce qu'il se passait.
Ça avait aussi un côté carrément masochiste, j'avais tellement de
peine de la voir se faire autant de mal. Mais c'était l'instinct
protecteur du père qui me guidait.
Un soir, pendant cette période,
j'avais rendez-vous avec Nina, une petite belge qui tentait de faire
carrière dans le mannequinat et que j'avais rencontré sur la
tournée précédente. On restait en contact et on se voyait de temps
en temps quand elle était de passage à Berlin. Je l'aimait bien
Nina, si bien que parfois je prenait l'avion jusqu'à Bruxelles pour
passer quelques jours avec elle. Puis, avec les années, cela avait
commencé à devenir sérieux... Bref, elle était de passage à
Berlin et nous passions la soirée tous les deux. Je pensais que sa
présence m'apaiserait, que pour un soir je ferais autre chose que de
m'inquiéter pour Lou. Ce que je pouvais être naïf ! Pas une
seule seconde mon esprit oublia Lou. Si elle se faisait agresser ?
Si elle avait un accident de voiture ?
Cette comédie devenait absolument
insupportable. Il me semble que je ne supportais pas cela plus de
deux semaines. Un matin, alors que j'avais passé la lui à la suivre
puis à attendre en bas de chez elle que le mec s'en aille, je montai
jusqu'à son appartement. Elle m'ouvrit à moitié nue, les cheveux
en bataille et pas démaquillée de la veille.
- Qu'est-ce que tu fais là ?
Demanda-t-elle, la bouche pâteuse.
- Fais tes valises : ont part en
vacances. Ne discute pas, je ne suis pas d'humeur.
Elle de discuta pas. C'est la première
fois qu'elle me vit aussi en colère. Et contre elle en plus. Elle
alla à la douche alors que je préparais du café.
Derrière sa tasse fumante elle demanda :
Derrière sa tasse fumante elle demanda :
- Où va-t-on ?
- Je n'en sais rien. Un pays chaud, je
n'en peu plus de la grisaille berlinoise.
Elle fila faire ses valise.
- Combien de temps allons-nous resté
là-bas ? Cria-t-elle depuis la chambre.
- Le temps qu'il faudra pour que tu
ailles un peu mieux... Jusqu'au début des répétitions s'il le
faut.
Après être passé à mon appartement
où je fis moi aussi mes valises, nous nous retrouvions à l'aéroport
de Berlin, dans la première agence de voyage que j'avais trouvé.
- Nous voulons partie immédiatement
vers une destination où il y a du soleil, des palmiers, la plage,
tout ça quoi.
La jeune femme un peu ronde avait
fébrilement tapé sur son ordinateur. Elle nous proposa la
République Dominicaine : un vol dans un peu moins de trois
heures, elle pouvait réserver l'hôtel et le transfère depuis
l'aéroport.
- Par contre il reste seulement des
ses sièges en Business Class.
Elle fut surprise quand je lui dit
immédiatement que c'était d'accord, sans consulter Lou. Remplir les
formalités me parut durer une éternité... Mais quelques heures
plus tard l'avion quittait enfin le sol berlinois.
Lou s'était endormie recroquevillée
sur son siège. On aurait dit une enfant. En la voyant là, personne
n'aurait pu deviner qu'elle pouvait être une femme de caractère,
capable de diriger une équipe de tournage. Le père, que j'étais,
finalement, était fière de lui, fière d'avoir agi. Ce n'était pas
ma fille, ni ma petite sœur, mais je me sentais responsable d'elle
et à cet instant je savais que j'avais fait le bon choix. C'est avec
un immense soulagement que je m'endormis moi aussi, après toutes ces
nuits blanches passées dans l'angoisse. Je dormis si bien que c'est
l'hôtesse de l'air qui me réveilla pour l'atterrissage. Elle du
réveiller Lou aussi.
Nous passions une quinzaine de jours
merveilleux, sur la plage, nous faisant dorer au soleil, nous
baignant dans une mer si chaude... Lou resta taciturne pendant
quelques jours, mais elle se laissa aller à ce rythme de vie hors du
temps, se remettant à manger, à sourire puis à rire aussi. Je
retrouvais l'amie complice et drôle que je connaissais, qui riait au
éclat lorsqu'on nous prenait pour un couple, c'est à dire plusieurs
fois par jours.
Étendu sur la plage, je regardais Lou
sortir de l'eau. Elle portait un maillot de bain deux pièces bleu
marine qui lui allait à ravir. Sa peau avait prit un jolie hâle et
son corps mouillé brillait au soleil. Elle marchait vers moi avec
son petit sourire diabolique.
- Ne fais pas ce que tu as l'intention
de faire, lui dis-je sur un ton faussement autoritaire.
Elle rit. Et elle fit exactement ce
que j'avais pressenti : arrivée à ma hauteur elle essora ses
longs cheveux au dessus de moi. Je me mis à lui courir après.
- Tu vas voir, toi !
Elle riait aux éclats en courant
jusqu'à la mer.
Quelques jours plus tard, assis l'un à
côté de l'autre dans l'avion, elle me remercia :
- Je suis reconnaissante de ce que tu
as fait Richard. Je te promets que je vais aller mieux, que je ne me
laisserai plus aller à mon chagrin. Ces deux semaines avec toi m'ont
permis de me rappeler qu'on ne vit qu'une fois, et que la vie est
bien trop courte pour se laisser envahir par le peine... Je sais que
cela ne va pas être facile, mais je te promets que je vais bien
vivre la tournée de mon côté aussi.
Elle fit une chose que j'adorais par
dessus tout : comme une enfant, elle me prit par le cou et
déposa un baiser sur ma joue.
Elle tenu sa promesse. Quelques temps
plus tard la tournée démarrait et le groupe retrouva la photographe
professionnelle et l'amie enjouée qui l'avait suivit pendant la
période d'enregistrement et de composition de l'album. Elle passait
du temps avec Ollie. Les deux passionnés de photos passait leurs
après-midi avec leurs appareils à capturer les techniciens de la
tournée au travail ou dans les villes où nous nous produisions à
prendre les monuments, les rues, les gens, les paysages.
Je crois que ça rendait Till malade.
Il n'était pas vraiment dans son assiette. Je ne veux pas dire qu'il
était mauvais sur scène, c'est faux. Les concerts étaient les
seuls moments où il se débarrassait de son air mélancolique :
il était véritablement la bête de scène qu'il paraissait. Mais
une fois les projecteurs éteints, il redevenait l'artiste maudit.
Pendant les afters il se mettait à agir comme à nos débuts :
trop d'alcool, trop de filles. Un soir alors qu'il était ivre, il
s'avança vers Lou et Ollie en pleine discussion. On échangea un
regard Flake et moi, on avait peur de ce qui allait se produire et on
s'avança derrière lui. Le sourire sur le visage de Lou s'effaça
quand elle le vit arrivé dans leur direction. Il s'adressa à
Ollie :
- Fais attention à ne pas tombé
amoureux d'elle, dit-il.
Ollie paru perplexe. Il hésita un
seconde avant de répondre en riant, de manière un peu forcée :
- Ne dis pas de bêtises.
Il se tourna alors vers Lou et posa sa
main sur la nuque de la jeune femme, caressant sa joue avec le pouce.
Elle prit une profonde inspiration, son malaise était palpable.
Flake posa une main sur l'épaule de Till qui dit à l'attention
d'Ollie mais en regardant Lou dans les yeux :
- Je ne dis jamais de bêtises.
- Hey Till, dit Flake sur un ton
détaché mais en le tirant par l'épaule, tu viens boire un verre ?
Il ne résista pas et suivit Flake.
- Que se passe-t-il ? Me demanda
Ollie.
Je n'eus pas le temps de répondre.
Lou dit sur un ton détaché elle aussi :
- Rien. Il a trop bu et il est jaloux
que tu sois en compagnie d'une si jolie fille !
Ce qu'elle jouait bien la comédie !
Si je n'avais pas connu la situation je l'aurais cru moi aussi. Elle
et Ollie rirent. Je fis de même, un peu à contre temps, mais il ne
s'en rendit pas compte.
Ollie, Paul et Schneider n'étaient
pas dupes. Le lendemain matin je prenais mon petit-déjeuner avec eux
au restaurant de l'hôtel. Ils discutaient de la scène qu'avait fait
Till la veille. Je ne prenais pas part à la conversation. Puis
Schneider m'interpella sur un ton inquisiteur :
- Qu'est-ce que t'en penses Richard ?
- Je... bafouillai-je, j'en sais trop
rien... Till peut se montrer exaspérant quand il a trop bu...
Tous les trois échangèrent des
regards. Je fis comme si de rien n'était, fixant mes saucisses
grillées et mon œuf sur le plat dans mon assiette.
- Tu sais, dis Schneider, on est pas
complètement débiles. On sait très bien que quelque chose c'est
passé entre Lou et Till et que Flake et toi êtes au courant.
Personnellement je ne veux pas savoir de quoi il est question, même
si je me doute bien que c'est une histoire cul, alors arrête de
faire semblant.
- Je ne vous prends pas pour des
idiots du tout...
- On le sait, dit Paul, c'était juste
une manière de dire que c'est pas la peine de jouer la comédie avec
nous.
- Ouais...
- Je tiens quand-même à souligner
que Lou est une sacrément bonne comédienne, dit Ollie.
- C'est sûr qu'elle est meilleure
comédienne que Richard qui bafouille lorsqu'il est prit au piège,
dit Schneider en riant. Je lui donnai un coup de point dans l'épaule
alors que le deux autres riaient.
La suite ? C'est ici que ça se passe.
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