Je fais une petite pause dans Nur Götter dürfen uns berühren et vous propose cette fiction sous forme de nouvelle.
Ohne Bedauern met en scène Flake alors qu'il tourne un documentaire qui lui est consacré et Liese, une jeune journaliste. C'est ici l'histoire de leur relation sous une forme légère et humoristique.
1-
Lorsque j'avais vu le
projet du rédacteur je lui l'ai immédiatement harcelé pour pour
qu'il me confie le projet.
Je travaillais pour Arte
depuis un peu plus d'un an. Après des études de journalisme,
j'avais envoyé ma candidature spontanée à la chaine. J'avais
insisté sur mes origines franco-allemandes et sur le fait que
j'étais bilingue. Ma mère était française, mais j'avais toujours
vécu en Allemagne et j'étais une berlinoise pure souche...
L'entretien s'était bien passé et j'avais été embauchée au
service culture.
Je travaillais donc
depuis un an chez Arte, lorsqu'un lundi matin, lors de la réunion
hebdomadaire du service culture de la chaine, le rédacteur présenta
son projet de faire un documentaire sur Chistian Flake Lorenz. Ce
dernier avait accepté, il fallait donc un ou une journaliste pour
mettre en œuvre ce projet. J'avais immédiatement dit que j'étais
tout à fait enthousiaste pour ce travail.
- Pourquoi vous confier
ce reportage à vous Liese ?
- Flake Lorenz est un
membre du groupe Rammstein dans lequel il joue du clavier. Il a
d'ailleurs un statu assez particulier au sein du groupe dans la
mesure où il n'a jamais franchement répondu « oui »
lorsque les cinq autres lui demandaient s'il faisait ou non partie de
Rammstein. Il est né et à grandit en RDA et a fait partie, avant
Rammstein, du groupe punk Feeling B dans lequel il jouait avec Paul
Landers un des guitariste de Rammstein, avais-je récité comme une
parfaite petite écolière.
Jan avait levé un
sourcil, signe qu'il était perplexe. Il demanda si quelqu'un d'autre
été intéressé. Bien évidemment cet abruti de Roland aurait aimé
s'occuper du projet disant qu'il serait bien plus objectif que moi
qui semblait être une fan.
- Proposez-moi un projet
tous les deux. Je le veux demain à 10h sur mon bureau. Je ferai mon
choix en fonction de ce qui me plaira le plus.
Je suis allée dans mon
bureau et en suis sortie seulement quand mon projet fut terminé. Il
était 2h45 du matin. Il me fallait encore contacter X qui avait
écrit un livre sur la musique et les groupe en RDA. Je lui
téléphonerai le lendemain pour avoir son accord. Je rentrais chez
moi à pied et me couchais enfin, fatiguée mais satisfaite de mon
travail. Jan ne pouvais pas ne pas me confier ce reportage. J'étais
une grande fan de Rammstein depuis leurs débuts. J'avais eu la
chance de les voir jouer leurs premiers concerts dans des bars alors
que je n'était qu'une adolescente. Puis j'avais assisté avec
bonheur à leur succès. Il y a quelques mois encore j'étais allée
les voir sur leur dernière tournée Volkerball où je les avais
trouvé au sommet de leur art. J'étais absolument hypnotisée par
cette musique si particulière et touchée par les textes. Je vouais
une véritable admiration à Till Lindemann d'ailleurs, à la fois
pour son charisme et pour son écriture. Bref, je n'envisageait pas
passer à côté de ce reportage.
Le lundi suivant, avant
la réunion hebdomadaire de la rédaction, Jan nous convoqua Roland
et moi dans son bureau : je décrochais le reportage.
_____
2-
J'avais dit oui à Arte
et j'attendais de rencontrer la journaliste qui devait se charger du
reportage. C'était simplement un premier contact sans caméra ni
technicien histoire de discuter du déroulement du reportage. Liese
Henze, c'était son nom. Je lui avait donné rendez-vous dans une
vieux café que j'aimai bien de Berlin Est, un des rares qui n'avait
pas fermé après la chute du Mur. J'étais en avance, comme
d'habitude.
- Qu'est-ce que je vous
sert avait demandé la serveuse ?
- J'attends quelqu'un
qui ne devrait pas tarder.
- Très bien avait
répondu le jeune femme avec un joli sourire. Je reviendrai.
9h54 affichait ma
montre. Au plus tard elle serait là d'ici six minutes. Je guettais
les entrée et sorties dans le café. Une jeune femme aux cheveux
roux, le visage plein de tache de rousseur et emmitouflée dans une
manteau noir entra dans l'établissement. Elle balaya la salle du
regard et je compris que c'était elle. Elle croisa mon regard et un
sourire se dessina sur son visage. Je me levais de la banquette sur
laquelle je me trouvais pour la saluer.
- Bonjour, dit-elle en
me serrant la main. Je suis Liese Henze, la journaliste de Arte.
- Enchanté,
répondis-je.
- Je suis très heureuse
de vous rencontrer.
Elle avait des yeux
verts pétillants et semblait assez jeune. Avant de s'assoir elle
retira son échappe et son manteau. Elle portait un pantalon noir
très près du corps le laissant aucune place à l'imagination quand
à sa silhouette ainsi qu'un pull gris clair légèrement décolleté.
Elle avait de très longs cheveux raides dont le roux devenait
presque blond sur les pointes.
La serveuse revint vers
nous et Liese commanda un café avec du lait.
- Et pour vous ?
- La même chose s'il
vous plait.
Le jeune femme me
présenta alors son projet :
- Ce qui m'intéresse le
plus c'est votre jeunesse et votre vie en RDA. J'aimerai mettre en
avant votre expérience de la musique à cette période pour mieux
comprendre aussi ci qu'à pu signifier pour vous la chute du mur de
Berlin.
- C'est assez original
votre intérêt pour cette période, dis-je. Je m'attendais à ce que
vous me parliez tout de suite de Rammstein.
Elle sourit.
- Nous allons bien sût
parler de Rammstein... Mais en étudiant un peu votre biographie et
en lisant vos interviews passées j'ai l'intuition que quelque chose
d'important s'est joué pour vous ce 9 novembre 1989. Comme s'il y
avait eu un avant et un après...
- Êtes-vous vous-même
originaire de RDA ?
- Oui, je suis née à
Berlin Est. J'avais neuf ans lorsque le mur et tombé.
Je fis rapidement le
calcul dans ma tête : elle avait vingt-six ans.
- Comment avez-vous vécu
cet événement ? Demandai-je.
- Je me souviens très
bien l'instant où j'ai franchie le Mur avec mes parents pour la
première fois. Il y avait un véritable euphorie. Mais très vite
cela à laissé place à la déception je crois. Mais ce n'est pas de
moi dont il s'agit, mais de vous !
Je souris.
- Alors comment les
choses vont-elles se dérouler, ? La questionnai-je.
- J'ai une trame pour le
reportage, mais je crois que les choses doivent se faire en fonction
de vous et de vos attentes, ce que vous avez envie de dire ou non.
- Dites moi votre trame
d'abord.
- J'avais donc envisagé
de faire une première partie sur votre enfance et votre adolescence,
si bien sûr vous êtes d'accord pour en parler. Une seconde partie
sur Feeling B. J'ai déjà interviewer X qui a écrit une ouvrage sur
le groupe et la musique en RDA. Une troisième partie sur Rammstein,
depuis la naissance du groupe jusqu'à la dernière tournée. Je
précise que ce qui m'intéresse c'est votre vécu à vous, je ne
veux pas spécialement entrer dans les détails de la vie du groupe.
Puis une dernière partie sur ce que vous faites aujourd'hui, en
dehors de la musique. Je suis allée voir votre exposition de
peinture à la Galerie H., et je sais aussi que vous vous investissez
dans une entreprise de location de voiture de collection. Ça c'est
mon idée de départ, mais je veux que les choses se passent aussi
comme vous le souhaitez.
- Cela me paraît très
bien, dis-je. Je n'envisageait rien de mieux.
Elle sourit. Puis la
serveuse nous amena nos café au lait. Elle prit immédiatement la
tasse dans ses deux mains pour les réchauffer. Cela me fit sourire
parce qu'elle était absolument craquante en réalité. Depuis
qu'elle avait commencé à m'expliquer le déroulement du projet je
ne pouvais m'empêcher de détailler son visage. Ses taches de
rousseur s'étalaient depuis son nez jusque sur ses pommettes hautes.
Elle avait un piercing discret sur la narine. Ses yeux étaient
légèrement maquillé dans les tons chocolats et elle portait un
trait de crayon et du mascara noir qui donnaient une profondeur
vertigineuse à son regard. Sa bouche rose clair était très
sensuelle et appelait aux baisers. Elle avait aussi un cou long et
fin et de petits seins ronds joliment mis en valeur par le pull
qu'elle portait. Elle but une gorgée de café et repris.
- J'aimerais beaucoup
que ce soit vous qui choisissiez les lieux de tournage. Je veux
vraiment que ce reportage soit personnel, à votre image.
Elle fouilla dans son
sac et en sortit un carnet et un style pour prendre des notes. Je
réfléchis un moment et lui dit les lieux qui me tenaient à cœur :
- J'ai un petit studio
aménagé dans un garage où je vais souvent lorsque j'ai besoin de
me retrouver seul, j'aimerais faire une partie de l'interview ici. On
pourrait aussi tourner dans mon appartement. Puis à l'entrepôt où
se trouvent mon entreprise de location de voitures. J'aime aussi
beaucoup aller me promener sur les marchés et dans les halles.
Elle nota tout sur son
carnet. Je la regardait à travers ma tasse de café fumante.
Peut-être avec trop d'insistance parce que je la vis rougir. Je
détournai mon regard vers là rue pour regarder les passants.
Nous prirent alors
rendez-vous la semaine suivant à mon appartement pour la première
interview.
- Je serai donc
présente, dit-elle, avec deux techniciens pour la prise d'image et
de son.
- Très bien, dis-je.
Pour dire vrai, je ne
souhaitais pas qu'elle parte tout de suite. J'étais bien en sa
compagnie. J'alimentais donc la conversation :
- Vous travaillez depuis
combien de temps pour Arte ?
- Depuis un an. J'ai
d'abord travaillé sur des reportages sur la gastronomie puis depuis
quelques semaine je travaille sur les émissions musicales.
Nous discutions ainsi un
peu plus d'une heure puis elle dut d'en aller. Alors qu'elle nouait
son écharpe autour du cou je lui proposai de la déposer.
- C'est vraiment très
gentil, dit-elle, mais je ne veux pas vous déranger.
- Cela ne me dérange
pas.
Alors qu'elle descendait
de la voiture devant le bâtiment de Arte je lui dit :
- Cela vous dérange si
on se tutoie ?
- Non, pas du tout.
- À la semaine
prochaine, alors. Passe une bonne journée.
- Merci. Toi aussi,
répondit-elle en souriant.
_____
3-
J'étais sur un petit
nuage. La première rencontre avec Flake s'était tellement bien
passée ! Il avait été adorable avec moi, me proposant même
de me déposer à la rédaction. Pour être toute à fait franche
j'ai été impressionnée par le personnage, bien plus que je ne
l'imaginais. Bien sûr Flake n'avait pas le même charisme que Till
ou Schneider, mais il m'avait troublé. Il y avait quelque chose de
particulier dans son regard et je l'avais trouvé charmeur.
Il m'avait offert un
café puis tenu la porte en sortant du bar. Il était venu avec un
Trabant et il m'avait ouvert la portière. J'étais à la fois très
excitée et gênée : je n'étais pas montée dans une de ces
voitures depuis mon enfance, et c'était une sensation très
particulière de parcourir Berlin ainsi. J'étais aussi un peu
déstabilisée par la manière dont Flake se comportait avec moi. Un
véritable gentleman ! Aucun homme ne s'était comporté de
cette manière avec moi auparavant.
Je ne m'étais jamais
fait la réflexion mais il était bel homme, à sa manière. Il est
vrai qu'il était à part par rapport aux cinq autres membres de
Rammstein : il n'avait pas un physique tout en muscles, et était
plutôt grand et maigre. Et ses lunettes lui donnaient un air de
premier de la classe. Depuis la dernière tournée il s'était fait
couper les cheveux ce qui lui allait plutôt bien. Lorsqu'il s'était
levé pour me saluer, me dominant d'au moins une tête, je m'étais
dit que cela devait être agréable de se blottir contre lui. C'est
con quand j'y pense ! C'était la première fois que je me
faisais ce genre de remarque en rencontrant quelqu'un.
J'avais hâte de la voir
à nouveau. Je m'étais sentie si bien avec lui. J'eus presque un
petit pincement au cœur lorsque la Trabant tourna le coin de la rue
une fois qu'il m'eut déposé.
Je passais la semaine
suivante à préparer cette première journée de tournage dans les
moindres détails. La veille au soir je me débattais avec ma garde
robe, ne sachant pas comment m'habiller le lendemain. En croisant mon
reflet dans le miroir je me mis à rire : pouvait on être
ridicule à ce point ?! Mais ça en disait long sur mon trouble
et mon envie de lui plaire. De manière générale je faisait
toujours attention à mon apparence, ne sortant jamais sans un petit
peu de maquillage et choisissant mes tenues avec attention. Les
seules fois où j'explorais mon dressing en ne sachant que porter
c'était pour des rancards qui me tenaient particulièrement à cœur.
Mon choix se porta finalement sur un jean slim clair et un gilet noir
près du corps. Le tout complété par des bottines noires à talons
hauts. Je décidais de mettre une jolie lingerie : les hommes
qui ont du goût sentent ces choses là. Le lendemain matin je pris
plus de soin que d'habitude pour lisser mes cheveux et me maquiller.
À 10h pile mes deux
techniciens et moi sonnions à l'interphone de Monsieur Lorenz. Il ne
décrocha pas, se contentant de nous ouvrir la porte. Je laissai mes
John et Peter s'engouffrer dans l'ascenseur avec tout leur matériel
et pris les escaliers.
- On va chercher le
reste, me dis Peter alors que j'arrivais sur le palier du troisième
étage.
Je me retrouvais donc
devant la porte et sonnai. Flake vient ouvrir. Il portait un sweat
marron et un jean.
- Salut, me dit-il avec
un grand sourire. Comment vas-tu ?
Il me sera énergiquement
la main. Je lui dis bonjour à mon tour.
- Mon caméraman et le
preneur de son sont partis chercher le matériel resté dans le
camion, dis-je en commençant à prendre les sacoches qu'ils avaient
laissé sur le palier.
- Attends, je vais
t'aider !
- Oh non je t'en prie,
ce n'est pas à toi de faire ça.
Il n'écouta pas et prit
une lourde caisse qu'il alla posé dans le salon.
Je fus surprise par la
simplicité de son appartement. Je m'attendais à un très grand
logement avec du mobiliers design et des canapés en cuir. Mais rien
de tout cela. L'appartement était sans aucune prétention avec du
mobilier vintage qui me rappelait beaucoup la RDA.
Alors que Peter et John
arrivaient avec les dernières caisses de matériel, Flake nous fit
du café dans une cafetière italienne. Je décidait qu'il s'installe
dans le fauteuil près de la fenêtre et nous mirent le caméra, le
micro et les éclairage en place. Nous burent le café offert par
Flake avant de commencer.
Il fut donc question de
son enfance et son adolescence en RDA ce matin là. Vers midi nous
fîmes une pause et Flake nous proposa d'aller dans une petit
brasserie se trouvant au coin de la rue.
- Nous allons profiter
de la pause déjeuner pour retourner au studio, il nous faut changer
de projecteur lumière.
Je me trouvais donc
seule avec Flake dans l'appartement. Il enfila une veste en cuir et m
proposa d'y aller. Arrivé dans le rue il me proposa un cigarette que
j'acceptai. Nous marchions quelques centaines de mètres pour arriver
à la brasserie. Comme lors de notre première rencontre il était
avenant et sympathique. Après avoir toute la matinée parlé de sa
vie à Berlin Est il me demanda de faire part de mes souvenir
d'enfance dans cette même ville sous ce même régime. Il y avait un
côté très agréable à croiser nos souvenirs, un peu comme si on
se connaissait depuis longtemps, comme si on s'était rencontré dans
une autre vie.
Puis il fut déjà temps
de retourner à son appartement où je l'interviewer pendant encore
deux heures. Il restait lui-même face à la caméra, il ne changeait
rien. Il gardait cet air un peu timide et surtout très mélancolique.
Il avait une capacité étonnante à la fois à témoigner de sa
propre vie et à prendre beaucoup de recul sur ce qu'il avait pu
vivre.
- Vous semblez très
mélancolique à l'évocation de l'Allemagne de l'Est. Vous regrettez
cette période ?
- Non, je n'ai pas de
regret, mais je fais le constat simple que la chute du Mur ne m'a pas
rendu plus heureux que je ne l'étais. Ce qu'on a gagné avec la
chute du communisme, on l'a perdu sur d'autres plans. J'avoue que
tout ce choix, toute cette diversité m'ennuie. La chute du Mur a
aussi été un véritable bouleversement dans notre manière
d'aborder la musique. C'était di simple en RDA : on faisait ce
qu'on aimait sans se poser de question, sans savoir si nos disques se
vendraient ou non, ça on en n'avait rien à faire. Seul comptait le
moment présent, le moment où l'on jouait. On faisait de la musique
parce qu'on aimait ça et ça nous suffisait. Après la réunification
d'autres problématiques se sont posées à nous : faire de la
musique s'est mis à signifier faire de l'argent. Cela a été
difficile à accepter pour moi.
C'est sur ces paroles
que se conclu cette première journée de tournage. John et Peter
remballèrent le matériel et je donnais rendez-vous à Flake la
semaine suivante pour la deuxième journée de tournage.
Pour me dire au revoir
il me serra longuement la main et me regarda intensément dans les
yeux. Je me sentis rougir et baissai les yeux. À cette instant je me
sentis comme une adolescente, mon cœur battait la chamade et je
sentis mes mains devenir moites. Je l'entendis sourire alors que je
m'obstinais à regarder le bout de mes chaussures. Sans me lâcher la
main, il mit l'autre sur mon épaule et me dit :
- À la semaine
prochaine Liese.
- Oui, à la semaine
prochaine, dis-je en souriant timidement, le joues plus rouges que
jamais.
Je pris sur moi, cessant
de faire l'enfant et relevai la tête pour soutenir son regard. Il
avait un sourire charmeur. Je lui lâchai la main et pris la décente
d'escaliers. Alors que j'atteignais presque l'étage inférieur, il
s'écria :
- Attends !
Il descendis les
escaliers quatre à quatre et me tendis mon écharpe.
- Il ne faut pas que tu
prennes froids.
Je souris en marmonnant
un « merci » et m'enfuyais le cœur au bord des lèvres.
Qu'est-ce que je me
trouvais ridicule ! Mais bordel j'ai passé l'âge de rougir
devant un homme, membre de Rammstein ou non ! Je me serais donné
des claques... Il avait du me trouver si nulle et infantile.
_____
4-
J'avais fait mon petit
numéro avec elle. S'en trop m'en rendre compte au début puis tout à
fait consciemment après. En vérité je ne sais pas trop ce qu'il
m'arrivait. Je m'étais séparé de depuis bientôt neuf mois. Après
quinze années de mariage. Cela a été une véritable épreuve que
d'accepter cette séparation. Tout balayer, après des années de vie
commune, et repartir à zéro, la quarantaine passée... J'avais
accepté ce reportage sur ma vie parce que je commençais à sortir
la tête de l'eau. Cela m'aidait à tourner la page, après je
pourrais passer à autre chose, recommencer à vivre.
Si seulement je m'étais
attendu à voir cette belle jeune femme arriver pour faire ce
reportage... Sa jeunesse, sa beauté m'avaient donné un souffle, un
élan incontrôlable. Je n'avais jamais été un homme à femmes
comme on dit. Je veux dire que physiquement déjà je n'avais pas
l'allure d'un dieu germanique comme Till. Je n'en ai jamais vraiment
souffert dans la mesure ou je n'ai jamais été un dragueur et un
collectionneur de femmes. J'ai vécu de très belles histoires, deux
belles histoire, avec la mère de ma fille puis plus tard avec Jenny.
J'avais aussi vécu des relations d'un soir, mais celles-là
n'étaient jamais de mon fait et je me laissait volontiers faire par
les jeunes femmes qui me convoitaient.
Mais voilà, avec cette
Liese je me comportais comme jamais je ne l'avais fait. Je me sentais
un homme nouveau. D'autant plus qu'elle semblait charmée. Je crois
que c'est aussi sa jeunesse qui me faisait de l'effet. J'avais
toujours été avec des femmes de mon âge, les plus jeunes ne
m'intéressaient pas, nous n'avions rien en commun souvent. Je
connaissais Liese depuis une semaine seulement et j'avais
l'impression de parler à une amie de longue date lorsque je me
trouvais avec elle. C'était sans doute un peu prématuré de penser
cela... Peu importait, je me sentais vivre à nouveau et j'attendais
avec hâte la prochaine journée de tournage. Nous verrions bien ce
qu'il se passerait. Le plus important pour moi à ce moment là
c'était de me sentir vivant.
La semaine s'écoula et
nous étions déjà le matin de la seconde journée de tournage. Je
fis attention à la manière de me vêtir, ma veste en cuir me
donnait un certain charisme me semblait-il.
Nous avions rendez-vous
au petit studio que j'avais aménagé dans un vieux garage. Les deux
techniciens étaient à l'heure, ils installèrent leur matériel
dans la petite pièce où j'aimais me retrouver seul. Je regardais ma
montrer : Liese avait cinq minutes de retard. Elle arriva enfin,
essoufflée, les cheveux encore mouillés.
- Excusez-moi, dit-elle
à notre adresse. J'ai eu une panne d'oreiller, je suis vraiment
désolée.
Je regardai ma montre et
dit en souriant :
- Dix minutes :
c'est n'est presque pas du retard.
Nous nous mirent au
travail et l'interview dura pratiquement deux heures. Il fut question
des conséquence de la chute du mur sur ma petite vie et des débuts
de Rammstein.
Je ne pu m'empêcher de
remarquer qu'en séchant naturellement ses cheveux faisaient de
jolies ondulations. Malgré son retard, elle avait prit le temps de
se maquiller et de choisir soigneusement la petite robe vert foncé
qu'elle portait.
À la fin de la journée
alors que le matériel était rangé et qu'elle allait à nouveau me
dire au revoir je lui proposai d'aller boire un verre. Elle se mordit
la lèvre inférieure en souriant.
- Pas ce soir. Mais
lorsque le tournage sera terminé, oui je veux bien qu'on aille boire
un verre.
- Ça me paraît être
une éternité ! M'exclamai-je.
Elle rit. Mais elle
avait prit de l'assurance depuis la dernière fois :
- Je suis sûre que tu
peux attendre une petite quinzaine de jours.
- Je ne sais pas...
Elle me coupa la parole
alors que j'allais insister :
- Au revoir, Flake.
Alors qu'elle passait la
porte du studio je lui lançai :
- Cela te va très bien
de laisser onduler tes cheveux.
Elle s'arrêta une
seconde sur le pas de la porte puis repartit sans se retourner. Je
ris tout seul et étais déjà impatient de la revoir la semaine
suivante.
C'est con à dire, mais
ce petit jeu de séduction me plaisait énormément. J'avais toujours
aimé ça, lorsqu'on convoite une femme et qu'on ne sait pas encore
si elle va céder ou non. Honnêtement, je n'avais jamais compris
Till et Richard qui couchaient avec des femmes quelques heures à
peine après les avoir rencontré lors des after show. Ça
m'était arrivé, deux ou trois fois, pas plus. Parce qu'il manquait
quelque chose, toute ce temps où le désir monte petit à petit et
que l'impatience fini par nous tenaillé. C'est toujours plus fort.
Et j'adorais par dessus tout voir dans les yeux des femmes cet espèce
de gêne doublé d'un certain bonheur. Se sentir désirable les
rendait encore plus belles. Quant à moi, cela me donnait une
confiance en moi extraordinaire. Malgré mon physique moyen, je
savais que je pouvais plaire, notamment grâce à mon attitude de
gentleman. Enfin, bref. Tout ce petit jeu de séduction me plaisait !
Puis Liese avait un
petit quelque chose en plus. Je ne sais pas si c'était sa jeunesse,
ou sa spontanéité. Lorsqu'elle se trouvait seule, à réfléchir ou
à prendre des notes sur sin carnet elle avait un visage d'une beauté
très froide, elle semblait presque hautaine. Mais à partir du
moment où elle s'adressait à quelqu'un quelque chose s'éclairait
dans ses yeux et son sourire. Il me semblait même que lorsque c'est
à moi qu'elle s'adressait, il y avait une petite flamme en plus dans
son regard. Elle plaisait aux hommes, c'était sûr. L'autre fois au
café, ou encore à la brasserie, ils se retournaient sur son
passage. Je crois que cela aussi faisait partie du défi intérieur
que je m'étais lancé. Moi, le grand maigrelet à lunettes, pourquoi
ne serais-je pas autorisé à séduire une femme qui jouait en
première division niveau beauté ?
C'est sans doute un peu
méchant de voir les choses uniquement sous cet angles. En vérité,
si Liese n'avait été que belle, je n'aurais pas sourcillé un seul
instant sur elle. Toute sa manière d'être ou de parler
m'interpelait. Ouais, elle avait vraiment quelque chose en plus.
_____
5-
Moi qui m'étais dit que
je me faisait des films... Apparemment pas. Moi, Liese, petite
journaliste de rien du tout, me faisait draguer par le claviériste
de Rammstein ! C'était juste pas croyable. Et je n'avais qu'une
envie : me laisser séduire. Dans ma tête je m'étais dit que
c'était simplement mon côté groupie qui parlait, et que la seule
chose qui m'attirait était le fait qu'il appartenait à un groupe
que j'adorais. Mais en analysant tout ça je me rendais bien compte
qu'il y avait autre chose. Il était charmeur, gentil, et taquin
aussi. Bref, mon genre d'homme.
Enfin, je dis mon genre
d'homme, mais je n'avais pas de genre d'homme. Certaines vous dises
tout de suite être attiré par les bruns ou les blond, les sportifs
ou les intellos... Si on m'avait posé la question j'aurais été
tout à fait incapable de répondre. J'étais sortie avec un paquet
de gars (souvent des histoires sans lendemain) tous différents les
uns des autres. Il faut bien avouer, j'étais, comme tout le monde,
interpellée par les personnes au physique avenant, les mecs bien
bâtis. Mais je crois qu'à travers ça c'est l'instinct animal qui
parle : les femelles cherchent toutes un mâle fort pour les
protéger, non ?
Flake n'était pas un
dieu de beauté, il ne faut pas se mentir. Mais il savait y faire
avec les femmes, ça je ne pouvais pas le nier. Je pensais même que
c'était sa vie de rock star qui lui avait donné ses capacité de
séduction. Je n'étais pas dupe, et bien que je n'y sois jamais
allé, les fêtes post concert devait être un vrai marché pour
choisir des minettes.
Enfin voilà, j'étais
sous le charme... Vraiment. Comme une adolescente, le soir en
m'endormant je m'imaginait dans ses bras, comme j'avais pu m'imaginer
dans les bras de mon prof de littérature dix ans plus tôt. C'était
un peu pathétique, mais cela faisait trop de bien de rêver et de
retrouver un peu d'insouciance.
Pour le troisième jour
de tournage nous devions nous retrouver à son entrepôt de location
de voitures anciennes. Flake et son associé avaient monté cette
boite il y avait un petit peu plus de quatre ans. Cela lui tenait
particulièrement à cœur et ce serait beaucoup intéressant de le
voir dans un de ces éléments, autre que la musique. Comme la fois
précédent, je pris le plus grand soin à choisir mes vêtements :
pantalon noir presque trop moulant et pull blanc, un peu large mais
qui laissait voir une épaule ou ou bout de mon ventre selon mes
mouvements. Ouais, j'avais envie d'être sexy et de lui plaire. Par
provocation et toujours dans ce jeu de séduction, je ne lissait pas
mes cheveux et travaillait mes boucles, histoire qu'elles soient plus
jolies que la fois d'avant. Perchée sur mes bottines à talons, je
filais vers le U-Bahn.
J'étais en avance cette
fois-ci, Flake n'était pas encore arrivé et c'est son associé qui
m'accueillit. Alors que mes deux techniciens s'installaient, il me
fit la conversation :
- Alors c'est vous la
journaliste. J'avoue que je ne m'attendais pas à ça.
- Comment ça ?
Demandais-je.
- Vous avez plutôt un
physique à vous trouver devant la caméra, plutôt que derrière.
Je souris. Décidément
j'avais fait le bon choix vestimentaire pour troubler la gente
masculine.
- Seriez-vous d'accord
pour répondre à des questions face à la caméra ?
Demandais-je.
- Peut-on seulement vous
refuser quelque chose ?
Nous nous installions
rapidement devant la caméra. Il me raconta les début de cette
société de location de voitures de collection et comment l'idée
leur été venue avec Flake. Dans un second temps je lui demandais de
me parler de Flake, de sa personnalité :
- En le côtoyant
presque tout les jours, j'ai toujours du mal à croire qu'il fait
partie d'un groupe connu au niveau international. Vous savez, il
aurait facilement pu prendre la grosse tête. Mais non, il est resté
lui-même.
- Vous vous connaissez
depuis longtemps ?
- Je ne compte même
plus ! Nous étions au collège ensemble. J'étais là lors de
ces premiers concert dans le gymnase de l'école. Personne n'aurait
misé sur lui à l'époque, c'était vraiment naze ce qu'il faisait !
Mais c'est quelqu'un qui persévère. Il n'a jamais lâché. Je sais
qu'il fait tout avec le cœur, avec amour presque. C'est pour cela
que ça marche pour lui. C'est aussi pour cela que c'est très
agréable d'être son associé. Il travaille avec passion, sans
vraiment se poser trop de questions.
- Il a quand même des
défauts, demandais-je en souriant.
- Comme tout le monde,
bien sûr. Ce qui peut se montrer carrément agaçant c'est son côté
mélancolique. Il ne se plaint pas vraiment, mais parfois il prend
ces airs de chien battu.
Il rit et moi aussi.
Flake arriva juste au
moment où je terminais d'interviewer son associé. En me voyant il
le va les sourcils. Je lui fis mon petit sourire en coin dont je
connaissais l'effet ravageur, alors que je lui serrait la main pour
le saluer.
Le tournage risquait
d'être moins pénible que précédemment pour Flake. Nous avions
rendez-vous précisément ce jour parce qu'il avait un shooting
photos pour faire la promotion de sa société. Je devais me
contenter de donner quelques instructions à John et Peter pour afin
de filmer cela. Il y au une interview aussi qu'on décida de faire
dans une des voitures en faisant un tout. Flake s'installa au volant
et Peter place passage avec la caméra. Je m'assis à l'arrière. Je
posais donc des question sur le pourquoi de cet investissement dans
un ce projet. Il fini par nous conduire jusqu'à la galerie d'art qui
exposait quelque uns de ces tableaux. Ce fut l'occasion pour lui de
parler d'art.
Une heure plus tard
j'aidais Peter et John à remballer.
- Vous pouvez le déposer
au bureau ? Demandais-je.
- Pas de soucis.
Alors que nous nous
apprêtions à partir Flake m'entraina un peu à l'écart :
- Je vois que tu as pris
en considération mes conseils capillaires, dit-il avec un petit
rire.
- Effectivement.
Il prit alors un air
très sérieux que je ne lui connaissais pas :
- Liese, ça ne va pas
être possible...
- De quoi parles-tu ?
- Je vais être obligé
de passer te prendre ce soir pour aller boire ce verre. Franchement,
je ne peux pas attendre plus longtemps.
Je ris. D'amusement,
bien sûr. Mais de plaisir aussi. Parce que moi non plus je n'avais
pas vraiment envie d'attendre une semaine de plus sortir boire un
verre avec lui. Mais je décidais de faire un peu durer le suspens.
- Ce ne serait pas très
professionnel de ma part, tu sais...
- S'il te plait. On a
qu'à dire que c'est un rendez-vous professionnel.
- Hum...
Je faisais mine de
réfléchir quelques secondes et fini par dire :
- D'accord. Tu passes me
prendre à 20h devant les bureaux d'Arte ?
- Avec grand plaisir.
- À ce soir alors.
Je me retournais et me
dirigeais vers le camion avec un pas légèrement plus lent que
d'habitude. Je savais très bien qu'il me regardais m'éloigner,
plein de désir. Enfin, c'est ce que j'espérais.
_____
6 -
Elle savait aussi s'y
prendre pour séduire. Elle avait joué la femme fatale en
s'éloignant doucement pour me laisser admirer le balancement de ses
hanches. Et cela avait eu l'effet escompté. J'étais complètement
pris dans la partie, et j'avais très envie de la gagner.
Le soir même j'avais
rendez-vous avec Schneider. Je l'appelais donc pour reporter le
rendez-vous au lendemain.
- Salut Schneider, c'est
Flake.
- Hey ! Salut,
comment vas-tu ?
- Bien, merci. Je
t'appelle parce que je ne pourrais pas passer ce soir, comme c'était
prévu.
- Hum...
Il avait prit sa voix
qui n'exprime rien, on ne sais pas s'il est vexé ou s'il s'en tape.
Je détestais cette voix ! Je repris :
- Ça ne te dérange pas
trop ?
- Non, non...
Toujours ce ton
insupportable...
- Qui a-t-il alors ?
- Rien. C'est juste que
l'on se connait depuis une vingtaine d'années, et tu n'as jamais
annulé de rendez-vous comme ça, au dernier moment.
Pire que son ton
impénétrable, voilà le ton inquisiteur ! Il continua :
- Allez, dis-moi ce que
tu as prévu d'autre ?
- J'ai rendez-vous.
- Oui, ça j'avais bien
compris merci ! Avec qui ?
- Une fille.
Silence. Je crois que
Scheider était vraiment surpris que j'ai en rencard. C'était au
près de lui que je m'étais confié ces derniers temps, depuis ma
séparation avec Jenny. Il m'avait vu au plus mal et n'avait cessé
de me dire qu'il fallait que je sorte, que je rencontre du monde,
histoire de me changer les idées. En vain. Il avait fini par
abandonné, pensant sans doute que j'allais finir vieux garçon.
Après un long silence il dit :
- Je suis vraiment
heureux que tu reprennes du service.
Je souris, mais il ne
put le voir.
- Cela ne te dérange
pas de reporter notre petite soirée à demain ? Demandais-je.
- Non, c'est ok pour
demain.
- Merci. À demain
alors...
- Oui, à demain. Tu
auras des choses à me raconter d'ailleurs.
- Ouais, dis-je en
riant.
Je raccrochai.
J'attendais donc devant
Arte au volant de ma Trabant avec dix bonnes minutes d'avance.
J'avais franchement hâte de la voir sortir du bâtiment. En
attendant je me décidais sur le lieu où je voulais l'emmener, sans
y parvenir vraiment. Puis tout à coup je me souvins qu'elle m'avait
dit adorer les curry wurst que l'on servait sur le champ de
foire. J'aimais beaucoup m'y balader moi aussi, dans le temps,
lorsque ma fille était encore enfant.
Je reconnus tout de
suite sa silhouette dans le hall éclairé. Je sortis donc pour
ouvrir la portière côté passager. Il fait sait vraiment très
froid dehors. En passant la porte automatique, elle remonta un peu
son écharpe et me fis signe dès qu'elle me vit.
- Bonsoir, dit-elle.
- Salut.
Elle s'assis et je
fermai la porte une fois qu'elle fut installée. Puis, je
m'engouffrai vite à l'intérieur de l'habitacle moi aussi.
- Si tu savais à quel
point cela me fait plaisir de monter dans une Trabant ! C'est ma
madeleine de Proust ces voiture.
- J'ai cru déceler un
certaine excitation chez toi en voyant la voiture lors de notre
première rencontre.
Elle rit, d'une voix
cristalline qui fit s'envoler des papillons dans mon ventre.
Décidément, j'étais bien plus sous le charme que je ne voulais
bien l'admettre.
- Où m'emmènes-tu ?
- L'autre jour tu m'as
dit adorer les curry wurst qu'on sert à la foire. Comme cela
fait des années que je n'y ai pas mis les pieds, je me suis dit que
c'était l'occasion.
Je détournai un instant
les yeux de la route pour la regarder, elle me souriait.
- C'est une très bonne
idée. Mais je vais avoir besoin de mes gants avec ce froid !
Elle farfouilla dans son
sac. Elle du sortir son carnet de notes et un livre qu'elle déposa
sur la tableau de bord, afin de trouver ses gants. À un feu rouge,
je pris le livre, mais je ne parvins pas à lire le titre qui était
en langue étrangère.
- C'est du français ?
demandai-je
- Oui, répondit-elle.
- Tu parles français ?
- Oui, Monsieur,
répondit elle en français et en riant.
- Je me rends compte que
tu sais plein de choses sur moi, mais que finalement je ne sais rien
du tout de toi...
- C'est ça être
journaliste : on sait tout de tout le monde, mais on reste très
secret, dit elle avec sérieux avant d'exploser de rire.
Son rire était très
communicatif ?
- C'est pour le travail
que tu lis ce livre ?
- Oui, l'auteure est
très connue en France et elle va faire traduire son premier roman en
allemand. Je dois l'interviewer la semaine prochaine. Je n'avais pas
encore lu celui-ci : c'est un recueil de nouvelles.
- Tu dois sacrément
bien parler français pour t'attaquer à de la littérature. Tu as
appris à l'école ?
- En fait, le français
est ma langue maternelle, alors que l'allemand est ma langue
paternelle, on va dire. J'ai presque toujours parlé français à la
maison avec ma mère, puis j'ai pris des cours au collège et au
lycée.
- Moi qui te croyais
cent pour cent berlinoise...
- Je suis cent pour cent
berlinoise ! J'ai toujours vécu ici, c'est ma vie, mon chez
moi. J'ai vécu en France seulement une année, lorsque j'étais à
la fac. Et, crois moi, j'ai eu du mal à m'adapter à la vie
française.
Nous arrivions à
destination. En dehors de la voiture elle sera un peu plus son
écharpe et enfila ses gants. Quant à moi je fermai mon manteau et
montais mon col. Nous nous baladions un moment parmi les manèges.
- Tu veux monter ?
Dis-je en m'arrêtant devant une attraction.
- Oh non, j'ai bien trop
peur ! Non ce que j'aime par dessus tout c'est ça.
Elle se dirigea à grand
pas devant un stand de tire au fusil. Elle tendis un billet de dix
euros au forain puis se tourna vers moi :
- Celui qui touche le
moins de canards paye les curry wurst. Tu commences.
Je me mis à rire. Liese
me surprenait et c'était vraiment très agréable, presque enivrant.
La vérité c'était que j'étais plutôt mal barré parce que
j'étais franchement nul au tire à la carabine. Enfin je ne dis rien
et calais la crosse du fusil contre mon épaule. Du coin de l'oeil
j'apercevais le regard vert et intense de la jeune femme.
- Arrête de me lancer
ce regard là, ça me déconcentre, dis-je en riant.
- Quel regard ?
- Celui-ci.
Elle explosa de rire. Je
tirai une première fois et touchais le petit canard blanc qui
défilait à une à trop grande vitesse avec les autres. Je tirai les
deux autres coups : ratés. Je posais alors la carabine. Liese
eut un petit sourire malicieux en prenant l'arme posée devant elle.
Les trois coups atteignirent leurs cibles. Elle gagna un ours en
peluche qu'elle donna à un petit garçon se trouvant à côté.
Alors que nous reprenions notre chemin je dis :
- De toute manière je
comptais t'inviter.
Elle rit au éclats, à
tel point que c'était communicatif.
La suite de la soirée
fut tout aussi délicieuse. Je ne vis pas le temps passer. En sortant
de la brasserie où nous avions fini par nous réfugier, ne
supportant plus le vent glacial, elle me prit le bras pour aller
jusqu'à la voiture. Une fois de plus j'ouvris la porte passe
passager pour la faire entrer. En hésita puis fini par demander :
- Tu me laisserai
conduire ?
- Si je dis non je vais
passer pour un gros machos qui pense que les femmes ne savent pas
conduire...
- C'est probablement ce
que je penserais... Mais je ne veux pas te forcer la main.
Je fis un pas vers elle,
approchant peut-être un peu trop près mon visage du sien, et dis :
- On ne peux rien
refuser à ces yeux là.
Malgré le fait qu'elle
était bien emmitouflée dans son écharpe, je pus la voir rougir. JE
lui mis alors les clefs dans la main et m'installais place passager
donc. Elle sautilla sur place, visiblement très excitée. Elle monta
et démarra, puis se retourna vers moi avant d'enclencher la
première :
- Tu sais que tu réalise
un e mes rêves là ?!
Malgré mes
appréhensions, je n'eus pas à me plaindre de sa conduite. Pendant
le trajet qui nous menait chez elle je lui racontais l'histoire de
cette voiture et l'argent que j'investissais dedans pour son
entretien. Je crois que mon côté mélancolique de la RDA
s'exprimait pleinement dans le soin que je portais à cette voiture.
Elle se gara devant son
immeuble, situé dans l'ex-Berlin Est, pas très loin de chez moi. Je
me précipitais dehors pour aller lui ouvrir la portière. Elle
riait.
- Gentleman jusqu'au
bout, dit-elle alors qu'elle descendais de la voiture.
Je la raccompagnais
jusqu'à l'entrée de l'immeuble.
- Merci pour cette
délicieuse soirée, dit-elle avant de se mordiller la lèvre
inférieure.
Je lui fis mon sourire
charmeur. Elle baissa les yeux. Je n'avais qu'une envie, c'était de
l'embrasser. Je sentais qu'elle aussi, mais elle se retenais. J'eus
l'impression qu'elle lisait dans mes pensées parce qu'elle me sera
amicalement dans ses bras et chuchota au creux de mon oreille :
- Parce que le reportage
n'est pas terminé...
Elle tapa alors le code
d'entrée et commença à pousser la porte. Avant de s'engouffrer à
l'intérieur, elle se retourna encore vers moi et déposa un baiser à
la fois sur ma joue, à la fois sur ma bouche, juste là à la
commissure des lèvres. Elle ne se retourna pas et la porte se ferma
sur elle, sur son parfum.
_____
7 -
Il m'avait fallu faire
un effort considérable pour ne pas me jeter à son cou et
l'embrasser langoureusement. Je vivais et revivais la scène dans mon
esprit, alors que j'étais allongée dans mon lit, incapable de
trouver le sommeil. Je ne comprenais pas ce qu'il me prenait. J'étais
attirée, vraiment attirée, par un quadragénaire. Il avait eu
quarante-trois ans en novembre dernier, j'avais regardé en potassant
sa biographie. Je me disais ça là, alors que je me retrouvais
seule. Mais lorsque j'étais avec lui, je ne pensais à rien, je
profitais de l'instant, c'était tout. Mais en y réfléchissant,
c'était un peu bizarre...
Après avoir déposé un
chaste (ou presque) baiser sur le coin des lèvres, j'étais rentrée
au plus vite dans l'immeuble. La tentation d'aller plus loin était
trop forte. Qu'avait-il ressentis, qu'avait-il pensé ? J'étais
trop excitée pour lire la moindre expression sur son visage, j'avais
fui la tentation. En revivant cela dans mon cerveau bouillonnant la
très célèbre phrase d'Oscar Wilde me revint à l'esprit :
« La meilleur façon de résister à la tentation c'est d'y
céder ». Je me mis à rire au éclats, toute seule dans mon
lit.
_____
8 -
- Raconte. Je veux tout
savoir.
J'étais arrivé chez
Scheider depuis à peine quelque minutes et je venais à peine de
m'assoir sur un fauteuil qu'il commençait déjà son interrogatoire.
- Savoir quoi ?
- Ne fait pas
l'imbécile. Le rencard d'hier soir : qui, où et surtout que
s'est-il passé ?
- Tu sais quoi
Schneider, tu devrais vraiment faire du cinéma. Tu serais absolument
parfait dans un rôle d'un agent de la Gestapo ou de la Stasi.
- Bon, dit-il perdant
patience, je vais nous chercher des bières et après je veux tout
savoir.
Quand il voulait un
truc, celui-là, on ne pouvait y couper. C'était assez chiant en
général, mais j'étais tellement excitée de ce qu'il m'arrivait...
J'avais envie de le partager. Il revint donc avec deux bouteilles de
bière et s'assis en face de moi :
- Alors, où l'as tu
rencontré ?
- Elle s'appelle Liese,
elle est journaliste pour Arte. C'est elle qui fait ce reportage sur
moi...
Schneider tentait de
resté sérieux, mais il y avait une petite flamme d'excitation dans
ses yeux. Il avait envie de savoir la suite. Je le fis languir, en
n'ajoutant rien de plus.
- Et elle est comment ?
- Gentille, pétillante.
Une très jolie rousse aux yeux verts.
Mon ami souriait
carrément, il riait presque. Il dit :
- Tu sais que tu as un
sourire absolument idiot collé sur tes lèvres ?
Je fis une grimace, mais
je ne parvins pas à effacer ce « sourire idiot » de mon
visage.
- S'il y avait seulement
mon sourire qui était idiot... Je t'assure que je me sens comme un
gamin depuis que j'ai fais sa rencontre...
Je lui racontais alors
notre première rencontre au café, puis les journées de tournage.
Alors que je lui racontais la soirée de la veille je ressentis à
nouveau l'excitation que j'avais éprouvé pendant ces quelques
heures. Je racontais la soirée jusqu'au moment où nous étions
arrivés en bas de chez elle.
- Et... ? Demanda
Schneider. Ne va pas me faire croire qu'elle t'as dit au revoir et
qu'elle est descendue de la voiture sans rien de plus !
Je ris.
- Non, je l'ai
raccompagné jusqu'à la porte de l'immeuble et j'ai eu droit à un
petit baiser juste au coin des lèvres.
- Ton sourire est de
plus en plus idiot, constata-t-il. Et rien de plus ? Elle ne
t'as pas proposé d'aller boire un dernier verre.
- Je crois qu'elle en
avait envie...
Je dis la petite phrase
qu'elle m'avait prononcé à l'oreille. J'expliquais que j'avais
compris qu'elle ne voulais rien de plus tant que nous devions
travailler ensemble pour le reportage.
- J'imagine qu'elle veut
rester la plus objective possible.
- Vue son attitude, elle
est loin d'être objective crois-moi ! Quand allez-vous vous
revoir ?
- À la prochaine
journée de tournage, vendredi prochain. Doom, je peux te dire un
truc ?
- Ouais.
- T'es une vraie bonne
femme ! T'es vraiment trop curieux...
- Ouais... Enfin,
mets-toi à ma place une seconde. Tu fais ton dépressif depuis des
mois, si bien que je croyais que tu ne te remettrais jamais de ton
divorce. Et là, je te retrouve en pleine forme, j'ai l'impression
que tu as vingt ans de moins. Pour être franc, ça me fait plaisir
de voir que tu reprends le dessus. Je te souhaite vraiment que ça
marche. Enfin, je veux pas dire que c'est la femme de ta vie, mais si
tu peux au moins tirer ton coup... !
J'éclatai de rire. Eh
oui, j'en étais là. Neuf mois sans sexe. Pas que je n'en avais plus
la capacité, le matériel marchait toujours, mais je n'en avais pas
vraiment envie. Enfin, désormais j'en avais très envie. J'avais
envie de Liese. Au fond, je ne voulais pas juste « tirer mon
coup » comme le disait si poétiquement Schneider.
_____
9 -
Les dernières prise de
vue et les dernières questions-réponses étaient dans la boite. Il
ne restait plus qu'à passer au montage. J'ai bien cru que ce jour
n'arriverai jamais ! Une semaine à attendre pour le revoir. Il
m'avait téléphoné sous prétexte de ne plus se rappeler notre lieu
de rendez-vous pour la fin du reportage. C'était en fait pour
prendre des nouvelles, une sorte de coup de file post premier
rencard.
Mes assistants venaient
de partir et Flake ne perdit pas une minute pour m'inviter à
nouveau :
- C'est bien terminé
cette fois-ci. Tu n'as plus aucune excuse pour reporter une
invitation.
- Tu es si pressé que
ça ? Demandai-je, jouant à la provocation.
- Oui.
Sa réponse me stupéfia.
Je ne m'attendais pas à ce qu'il se montre aussi direct. Il faut
dire que j'avais tendu la perche avec ma question, mais quand même !
Mon choc se traduisit par un petit rire.
- Alors, je passe te
prendre ce soir ?
- Malheureusement je
travaille tard ce soir...
- Tu travailles un
vendredi soir ?
- Oui, je dois aller à
un vernissage et rendre un court reportage pour le journal télévisé
de demain midi. Donc je vais faire mon interview à la galerie puis
je file boucler le reportage au studio.
Il prit son regard
mélancolique. Je trouvai ça craquant.
- Par contre je ne
travaille pas demain. On peut se faire un brunch chez moi.
- Un brunch ?
Répéta-t-il, surpris.
- Oui, répondis-je en
faisant un signe de la tête. En plus, il paraît que je ne cuisine
pas trop mal.
Il sourit et ajouta :
- C'est la première
fois qu'on m'invite à un brunch...
- Il y a un début à
tout !
- Tu as quand-même
quelques minutes pour boire un café avant de partir ?
Je lui pris le bras pour
regarder l'heure sur sa montre : 14h30.
- J'ai une heure et demi
devant moi.
Il m'emmena dans le café
où nous avions fait connaissance. Je pris un thé, et lui, comme la
première fois, dit « la même chose » au serveur.
- Tu prends toujours la
même chose que la personne avec qui tu te trouves ?
- Oui, la plupart du
temps.
- Pourquoi ?
- Je ne parviens jamais
à me décider... Alors lorsque la personne qui se trouve avec moi
prend quelque chose que j'apprécie aussi, et bien je dis « la
même chose ».
Je souris. J'adorais ça
chez lui, le côté « je ne me pose aucune question, je prends
les choses comme elles viennent ». Je pris le temps de
détailler son visage alors que nous restions silencieux. Il avait
des petites rides aux coins des yeux et ses rides d'expression
étaient marquées. Je plongeais mes yeux dans les siens, ne
parvenant pas à déterminer leur couleur. Ce jour là la couleur
dominante était le gris, mais en regardant bien on voyait des taches
vertes et marrons. Il me sortit de mes réflexions :
- La manière dont tu me
regarde est presque angoissante, dit-il en riant.
Le serveur amena nos
thés et nous recommençâmes à discuter. Il me questionna sur
l'exposition que j'allais voir ce soir, puis sur l'interview de
l'écrivaine française. C'était marrant, lorsque la caméra n'était
pas là, c'était lui le journaliste avide de révélations.
- Pourquoi m'inviter à
un brunch ?
- Pourquoi pas ?
- C'est très
journalistique de répondre à une question par une question.
Cela me fit beaucoup
rire. Il faisait toujours des remarques assez déconcertantes mais
toujours très justes. Je me demandais si cela faisait partie de son
jeu de séduction ou s'il était comme ça avec tout le monde.
Il bougea ses jambes
sous la table, me donnant un tout petit coup dans le tibia sans le
faire exprès. Je ne sais pas pourquoi je fis cela, mais je posais le
bout de ma chaussure sur la sienne, exerçant une légère pression,
assez forte et assez longue pour qu'il sache que ce n'était pas par
accident. Quand il sentit mon geste il me regarda plus intensément,
sans cesser de parler. Puis il posa sa main à côté de la mienne
sur la table et caressa furtivement mon pouce du bout de l'index. Je
n'écoutais que vaguement ce qu'il disait, me concentrant sur les
quelques millimètres carrés de sa peau en contact avec la mienne.
S'il savait à qu'elle point j'avais envie de lui à cet instant. Le
fait qu'il continuait sa petite caresse me laissait penser que lui
aussi. Tous mes sens étaient en éveil. Je laissait son odeur entrer
par mes narines m'enivrer carrément : elle m'évoquait la mer
et les embruns, le sel. Cela me donnait envie de gouter à sa peau,
là, juste sur l'arrête de sa mâchoire, tout près de l'oreille.
Sans vraiment que je
m'en rende compte, mon pied qui avait exercé une légère pression
sur le sien faisait maintenant de légers mouvements sur son jean,
contre son mollet. C'était un mouvement discret, à l'image de son
doigt sur ma main. Franchement, je ne saurais pas dire le contenu de
notre conversation de cette après-midi là dans ce café : ce
n'était plus ma raison qui dirigeait mon être, mais mes sens, mon
instinct.
Il fut vraiment trop
vite l'heure pour moi de retourner au travail. Il m'y emmena encore
une fois avec sa Trabant. Lorsque nous fûmes arrivés devant Arte,
je ne pus me retenir plus longtemps je me penchais vers lui. Il fit
de même. Alors nos lèvres se trouvèrent. Il mordilla ma lèvre
inférieure tout en posant sa main sur ma nuque. Quant à moi c'est
sur sa cuisse que je posais une main et le bout de ma langue vint
caresser la sienne. Une décharge électrique parcouru mon dos
lorsque les mouvement de sa langue se firent plus insistants et plus
vigoureux. Notre baiser terminé je le regardais longuement dans le
yeux. Il fini par enlever sa main de ma nuque et me dit :
- À demain. Dix heures
chez toi ?
- Oui. Bonne soirée.
Je ne sais quelle
volonté divine me permis de sortir de la voiture.
Loin d'avoir apaisé mes
ardeur, ce baiser attisa mes envies et le lendemain matin me parut
être dans des siècles.
_____
10 -
- T'as rendez-vous avec
elle à dix heures du matin ?!
C'était Schneider au
téléphone. Il appelait pour avoir des nouvelles, soit disant. Je
savais bien qu'il qu'il voulait savoir où ça en était de mon
histoire avec Liese.
- Ouais.
- Mais c'est un
rancard ?
- Bah je crois oui. Elle
n'est pas disponible ce soir, elle m'a donc proposé demain matin.
- C'est bien la première
fois que je vois ça...
- Moi aussi...
- Qu'allez-vous faire le
matin ? Et où est-ce qu'elle t'a donné rendez-vous ?
- Chez elle, elle veux
préparer un brunch.
- Chez elle... répéta
Schneider avec son air impénétrable. C'est assez bizarre pour un
rancard...
- En réalité, je ne
t'ai pas encore tout dit...
Je ne lui avait pas
encore raconté ce qu'il venait de se passer. L'heure et demi dans le
café, pendant laquelle nous nous étions ouvertement dragués, puis
le baiser dans la voiture. Il faut dire qu'il me prenait un peu de
cours. Cela faisait quelques minutes que j'étais rentré chez moi,
encore tout ému, pour ne pas dire carrément excité, par ce qu'il
venait de se produire.
- On va dire que demain
matin c'est une manière de poursuivre notre rancard de cette
après-midi, dis-je à Schneider qui resta sans voix lorsque j'eus
évoqués les événement s'étant déroulé il n'y avait même pas
une heure.
Je n'avais donné aucun
détail, disant simplement qu'on s'était retrouvé au café et
qu'avant de partir on s'était embrassé. Après un silence,
Schneider dit :
- Alors c'est demain que
ça se passe...
- Oh je t'en prie Doom,
ne fait pas ta commère !
- Bah quoi ? C'est
vrai non ? C'est plutôt à toi d'arrêter de faire ta jeune
fille effarouchée. Elle t'as invité chez elle, c'est suffisamment
explicite pour comprendre ce qu'il va se passer !
Il n'avait pas tort, et
j'avais franchement envie que les « choses » se fassent
demain. Mais son côté fouine m'exaspérait un peu. Et pour être
tout à fait franc j'avais envie de rester seul pour pouvoir revivre
dans mon esprit les évènements de la journée et surtout pour
fantasmer sur le rendez-vous du lendemain. Schneider se mit à rire à
l'autre bout du fil :
- Allez, j'arrête de
faire mon relou ! J'espère que les choses se passerons comme tu
le souhaites.
Il raccrocha. C'est sûr,
Schneider pouvait être chiant, il avait un côté « je me mêle
de tout » assez insupportable, mais il s'avait lâcher prise.
Enfin, quand il s'agissait d'évènement set de situations légères,
pour ce qui était des choses sérieuses, non, il ne lâchait jamais
l'affaire.
Je me retrouver donc
chez moi, excité comme un adolescent. J'essayais de m'occuper, mais
mon esprit ne parvenait à se fixer sur rien, ni la musique, ni un
bouquin... Je fis alors ce que je fais toujours lorsque mon cerveau
n'est capable de rien : la cuisine. J'adorai ça faire cuisiner.
Ça me détendait. Je fouinais donc dans mes livres de recettes, à
la recherche d'une idée. Mon choix s'arrêta sur un ossobuco. Avant
d'aller faire les courses je décidai d'inviter ma fille, histoire de
partager le repas et parce que je n'avais aucun plaisir à cuisiner
pour moi-même.
La cuisine, la présence
de ma fille et de son petit ami firent passer la soirée rapidement.
Finalement je me couchais un peu après minuit et m'endormis plus
facilement que je ne l'aurais pensé, sans doute grâce à la
bouteille de vin que j'avais ingurgité presque tout seul...
Voilà, j'y étais.
J'attendais devant l'interphone de l'immeuble où habitait Liese,
hésitant à appuyer sur le bouton en face du nom indiquant :
« L. Henze ». Je me résolu rapidement à le faire, rien
ne m'arrive de tellement bon quand je réfléchie trop.
- Oui ? Fit sa voix
dans l'interphone.
- C'est Flake.
- Quatrième étage,
droite.
Le bruit d'ouverture de
la porte se fit entendre et je m'engouffrais dans l'immeuble. Il n'y
avait pas d'ascenseur. Je montais les escaliers quatre à quatre,
toujours dans le but de ne pas trop avoir à penser ou anticiper quoi
que ce soit. Arrivé au quatrième, j'appuyai sur la sonnette au
dessus de laquelle était inscrit son nom. Elle ouvrit la porte au
bout de quelques secondes. Elle avait remit la tenue de la semaine
précédente, celle qui avait produit tant d'effet sur moi et les
hommes présents en général. Son pull gris avait glissé laissant
apparaître une petit épaule bien dessinée et parsemée de quelques
taches de rousseur. Pieds nus, elle me sembla bien plus petite que
d'habitude, lorsqu'elle était perchée sur ses talons.
- Salut, dit-elle
timidement.
- Salut...
Ah le moment
embarrassant du rendez-vous après le premier baiser ! On ne
sait jamais trop comment on doit agir. Croyez-moi, à quarante ans
passé, on n'a toujours pas la solution. À ce moment précis, sans
que je ne le calcula à l'avance, je me comportai en gentleman :
je pris sa main et y déposai un baiser. Elle rougit pour se détendre
la seconde d'après. Elle semblait visiblement soulagée que j'ai
trouvé un moyen de détourner ce moment gênant.
- Ça sent très bon,
dis-je.
- J'ai fais des pancakes
et je m'apprêtais à faire cuire les saucisses. Entre et fais comme
chez toi. Attends, je vais prendre ton manteau...
J'enlevais mon écharpe
et mon manteau et lui tendis. Elle me tourna le dos pour les
accrocher sur un cintre dans la penderie.
Alors qu'elle
s'apprêtait à fermer la porte du placard, je ne sais pas ce qu'il
me prit, je m'approchais d'elle et dégageai les cheveux de sa nuque
pour y déposer un baiser. Il me sembla qu'elle arrêta de respirer.
Je déposai un second baiser. Elle pencha légèrement la tête sur
le côté et ramena ses longs cheveux sur son épaule pour me laisser
le champ livre. Un troisième baiser, plus près de son oreille. Puis
mes bras s'enroulèrent autour de sa taille alors que je déposer un
autre baiser, non plus sur sa nuque mais sur l'arrête de sa
mâchoire. Elle se retourna alors pour me faire face. Mes mains se
retrouvèrent alors contre son dos, sous son pull. Elle se leva sur
la pointe des pieds pour m'embrasser la joue, puis, comme la première
fois, la commissure des lèvres, et enfin atteindre ma bouche. Le
baiser fut encore plus ardent que la veille et Liese passa ses bras
autour de mon cou, plaquant tout son corps contre le mien. Son odeur
poudrée m'enivra un peu plus. Et le désir se fit plus présent en
moi lorsque elle caressa doucement ma nuque de ses doigts tièdes.
Alors que nos
respirations se firent plus fortes, je laissais mes doigts parcourir
son dos. Ce contact était un véritable délice. Des mois que je
n'avais pas tenu de femme dans mes bras, des années que je n'avais
pas caressé une peau aussi jeune. Elle passa ses mains sous mes
vêtements pour aller caresser mon torse et mes épaules. Je plaquai
un peu plus mon bassin contre son ventre, histoire que mon excitation
ne fasse plus aucun doute. Elle me regarda dans les yeux avec un
petit sourire coquin.
Elle me prit alors par
la main pour m'emmener dans la chambre. Elle m'embrassa à nouveau,
mais la tendresse du début laissa place à une douce violence. Elle
retira précipitamment mon tee-shirt avant de mordiller ma lèvre
inférieure et planter légèrement ses ongles dans mon dos. Je lui
retirai son pull avant de l'allonger sur le lit. Alors que mes lèvres
parcouraient chaque centimètre carré de sa peau je fus surpris de
voir un tatouage sur ses côtes : une montre à gousset et deux
roses avec une inscription en français. J'embrassai une des roses
avant de déposer mes lèvres sur sa hanche, puis juste au dessous du
nombril. J'enlevais son pantalon pour découvrir deux autres
tatouages : une composition avec un paon et de la vigne vierge
sur la cuisse droite et une jarretière autour de la gauche. Alors
que je faisais le tour de la jarretière avec le bout des doigts,
elle se redressa sur son séant pour venir m'embrasser à nouveau. La
situation ma paraissait surréaliste. Je n'arrivais pas à croire que
cette merveilleuse créature était entrain de déboutonner ma
braguette afin de m'enlever mon jean.
Je me retrouvais debout,
en boxer, devant le lit sur lequel elle était assise. Elle embrassa
doucement le creux entre ma hanche et mon nombril et la chaleur
intense qui s'était logé dans mon bas ventre devint un incendie. Je
m'empressait de lui retirer son soutien-gorge qui laissa apparaître
des petits seins ronds, tendus vers moi. Je les dévorais alors. Je
ne pouvais plus attendre et nous mis nus tous les deux. Allongé sur
elle, j'attendis quelques instants avant de laisser mon membre se
frayer un chemin en elle, la regardant dans les yeux. Elle profita de
ce moment pour m'enlever mes lunettes, ce qui me fit sourire.
J'attendis qu'elle les eut posé sur le bord du lit pour entrer en
elle. La sensation de son corps chaud et humide autour de moi était
au delà de ce que j'avais imaginé et fantasmé.
Alors que je commençais
les mouvements de vas et viens, j'enfouis mon visage dans sa nuque
tout m'enivrer de son odeur. Pour me concentrer aussi. Neuf mois sans
sexe... Alors que je lui faisait l'amour, elle caressait mes fesses,
embrassait mon cou, me mordillait le lobe de l'oreille. Sa
respiration se faisait plus haletante, et son vagin se resserrait de
plus en plus. J'avais besoin d'une pause si je voulais que cela dur
plus longtemps. Je basculai sur le lit et lui fit me tourner le dos.
Je la pénétrait à nouveau en cuillère. Je pouvais ainsi mieux la
serrer dans mes bras, l'embrasser et admirer son corps. Elle emmena
ma main vers son bas ventre et tout en accélérant les mouvements de
mon bassin je caressait son clitoris. Son corps entier commença à
se tendre et les spasmes de son vagins étaient comme un feu
d'artifice. Elle jouis enfin et je pu lâcher prise à mon tour, me
laissant bercer par cette sensation de petite mort.
_____
11 -
J'avais rabattue la
couette sur nous et m'étais blottie tout contre lui. Il caressait
tout doucement mon dos alors que je repassais du doigts les traits de
l'ancre tatouée sur son épaule. Il y avait le nom « Jenny »
tatoué juste au dessus du dessin. Cela devait être le nom de son
ex-femme, je me souvins qu'il avait parlé d'un récent divorce lors
d'une des interviews. Il prit mon visage dans ses mains pour
m'embrasser puis dit :
- Les tiens sont bien
plus beaux.
Je fronçai les sourcils
pour exprimer mon incompréhension.
- Les tatouages, dit-il.
Je ris et l'embrassai à
nouveau. J'aurais aimé que le temps s'arrête dans la chambre, que
nous restions comme ça l'un contre l'autre. Alors que le me faisais
cette réflexion, mon ventre se mit à gargouiller bruyamment. Il rit
avant de dire :
- J'ai faim moi aussi.
J'étais quand-même sensé venir pour un brunch !
Ce fut à mon tour de
rire. Flake posa une main sur mes fesses et m'attira encore un peu
plus contre lui.
- Quoi que la mise en
bouche était loin d'être désagréable, dit-il avant de m'embrasser
langoureusement.
Je ne pus m'empêcher de
rire une nouvelle fois. Il était trop adorable. Je me sentais
tellement bien. Belle, aussi. Mon ventre se mit à nouveau à
signifier qu'il fallait qu'on le remplisse.
- Nous allons être
obligé de sortir du lit, je crois, chuchota-t-il à mon oreille.
Flake avait enfilé son
tee-shirt et son boxer. J'agrafais mon soutien-gorge lorsque qu'il
s'approcha de moi pour regarder plus en détail mes tatouages. Je fis
comme si de rien n'était, enfilant mon pantalon et mon pull.
Ce n'est rien de dire
que la journée fut merveilleuse. Après manger, nous nous
retrouvâmes déjà à faire l'amour sur la table de la cuisine. Je
crois que nous restions l'après-midi au lit, discutant de tout et de
rien entre nos caresses et nos baiser. C'était un ce ces moments
hors du temps, où l'on se sent immortels, ou rien ne peut nous
atteindre.
Le soir venu Flake me
dit :
- Je t'emmène au cinéma
et au restaurant. De mon temps c'est ça qu'on appelait un rencard !
Je ris et nous filâmes
tous les deux sous la douche.
Flake m'emmena dans un
vieux cinéma qui passait la plupart du temps des vieux films
allemands ou des grands classiques du cinéma international. Nous
avions le choix entre James Bond contre Docteur No et Le
Fabuleux destin d'Amélie Poulain et À l'Ouest, rien de
nouveau.
- Je suis plutôt cinéma
allemand en général, dit-il. Mais je ne suis pas sûr de vouloir
aller voir un film de guerre...
Il semblait réfléchir
à voix haute en regardant les affiches au dessus de l'entrée. Il se
tourna vers moi et me demanda :
- Es-tu d'accord pour
que nous rendions hommage à tes origines françaises ?
- Tu sais que c'est un
film de fille ?
- Oui, je l'ai déjà
vu. Mais je l'ai trouvé très poétique. Ça ne te plait pas ?
- Si ! Pour moi
c'est un conte de fée des temps moderne. Il y a toute la partie
niaise, bon d'accord, mais le message du film est aussi de dire qu'il
faut forcer la chance et que le bonheur ne vient pas tout seul.
- Ah ! J'ai affaire
à une grande fan du film, dit-il en riant.
- Après, c'est sûr
qu'on ne nous montre pas les difficultés de la vie de couple... Mais
ça fait du bien un peu de légèreté.
Il acheta donc les
billets pour Le Fabuleux destin d'Amélie Poulain.
Dans la salle obscure, au milieu du film, il me chuchota à
l'oreille :
- Si ça avait été
notre premier rendez-vous, j'aurais passé mon bras autour de tes
épaules en faisant mine de m'étirer.
Il fit donc mine de
s'étirer et passa son bras autour de mes épaules. Je dis au creux
de son oreille :
- Mais c'est notre
premier vrai rendez-vous !
Il sourit.
Le reste de la soirée
il se comporta vraiment comme si rien ne s'était déjà passé,
exagérant son comportement de gentleman. Je ne pouvais m'empêcher
de rire lorsqu'il me tendis son bras dans la rue ou me tira la chaise
pour que je puisse m'assoir au restaurant. D'autant plus que ce
n'était pas du tout un restaurant chic et que son geste était en
décalage avec le lieu !
Alors que nous
apprêtions à sortir de l'établissement, deux jeunes hommes et une
jeune femme abordèrent Flake. Des fans de Rammstein. Il accepta de
signer des autographes et de prendre quelques photos. Je l'attendais
près de l'entrée. Il fit un sourire désolé en arrivant vers moi
et dit :
- Désolé, mais ce sont
des choses qui arrivent de temps en temps...
Je lui souris pour lui
faire comprendre que ce n'était pas sa faute. Derrière lui, les
fans prirent encore des photos avec leurs smartphones.
_____
12 -
- Pourquoi est-ce que tu
ne la présente pas ?
Schneider repassait à
l'attaque....
Cela faisait quatre mois
que j'avais une relation avec Liese. Cette liaison consistait en un
éternel rencard. Nous sortions le soir, plusieurs fois par semaine,
et les week-end aussi. J'adorais passer du temps avec elle, et
j'aurais aimé que notre relation évolue. Elle aussi, je crois, mais
elle était un peu sur la défensive, attendant un geste de ma part.
Elle m'avait présenté à ses amis, et depuis peu à son père. Je
sentais bien qu'elle attendait que je la présente à mes proches mes
je n'y parvenais pas. Pourtant, tout le monde s'attendais à ce que
je fasse cela.
- Écoute Flake, ça à
l'air d'être plutôt sérieux comme histoire, non ? Quatre mois
ce n'est pas rien. Puis tu as l'air bien depuis que tu l'as
rencontré. On s'attend vraiment tous à ce que tu nous la présente.
Je savais très bien
pourquoi je ne parvenais pas à la faire entrer totalement dans ma
vie. Elle faisait partie de ma vie, ça c'était indéniable. Mais
cela se passaient tellement bien que j'avais peur de briser quelque
chose. Enfin, la vraie raison, je l'avais identifié, et elle était
plutôt ridicule... Mes amies c'était les membres du groupe. Je les
connaissais depuis des décennies maintenant, je ne savais que trop
comment ils fonctionnaient. Surtout avec les femmes. Pour faire bref,
j'avais peur que Richard ou Till ne se mettent à la draguer. Liese
était tout à fait le genre de fille qu'ils fréquentaient. Et ils
ne pouvaient se débarrasser de leur comportement d'éternel
séducteur. Ça paraissait être une seconde nature chez eux.
Présenter les choses de
cette manière semble vouloir dire que je n'avais confiance ni en
Liese, ni en eux. Mais le problème était un peu plus profond. En
réalité, malgré mon âge avancé, je n'avais pas totalement
confiance en moi. Je m'en rendais compte depuis quelques semaines. Je
devenais jaloux, alors que je ne l'avais jamais été. Dans mon
esprit je ne cessais de me dire que Liese serait tentée d'aller vers
des hommes plus jeunes, ou plus séduisants. Rien dans son
comportement ne pouvait laisser penser cela. Elle était amoureuse,
un petit peu possessive, elle aussi. Je ne m'étais jamais poser ce
genre de problématiques avant, étant donné que j'étais en couple
avec des femmes de mon âges, de ma génération, du moins. Mais la
jeunesse de Liese, qui m'avait donné un souffle de vie considérable,
devenait une source d'angoisse.
Il faut dire aussi que
je n'avais jamais rien dit sur son âge aux autres. Ils s'imaginaient
sans doute que Liese avait la quarantaine, puisque je ne les avais
habitué à rien d'autre jusqu'à présent.
- Schneider, j'avoue que
je n'ai pas tout dit à son propos...
Il leva un sourcil,
visiblement surpris.
- En fait, je n'ai pas
dit un détail qui à toute son importance. Liese est assez jeune.
- Quel âge a-t-elle ?
Demanda-t-il, fronçant cette fois-ci les sourcils.
- Elle va bientôt avoir
vingt-six ans.
- Ah oui, quand même...
Schneider paraissait
dubitatif. Je m'attendais à ce qu'il me sorte un discours
moralisateur, me disant qu'avec un écart d'âge aussi grand une
relation ne pouvait pas marcher. Mais il ne le fit pas :
- Je comprends que ça
puisse être difficile à vivre... J'imagine que tu as sans cesse
peur de la perdre, peur qu'elle parte avec quelqu'un de plus jeune.
Je te comprends parce que c'était pareil pour moi lorsque j'étais
avec Régina.
- J'ai également peur
de l'attitude de Till et de Richard, pour être tout à fait franc...
- Ouais. En même temps,
cette fille elle à l'air de tenir à toi d'après ce que tu me
raconte.
- Bah oui, je crois.
Tout dans son attitude me laisse penser qu'elle est amoureuse.
- Vue tes angoisses,
j'imagine que toi aussi.
Je ne répondis pas,
baissant simplement la tête en souriant. Je n'étais pas très douée
pour parler de ce genre de sentiments.
- Il va falloir que je
surmonte cette angoisse, parce que je crois qu'elle attend avec
impatience que je la fasse véritablement entrée dans ma vie.
- Écoute Flake, je vais
t'aider. J'organise un repas au restaurant avec tout le monde, les
compagnes aussi. Si cela vient de moi ça fera moins officiel. Puis
tu es devant le fait accompli, tu n'as plus le choix.
C'est ainsi que le soir
même j'annonçais à Liese l'invitation de Schneider pour la semaine
suivante.
- Alors, tu vas me
présenter à tes amis... dit-elle les yeux pétillants de bonheur.
- Oui. Ils sont
impatients de rencontrer la femme qui me rend heureux.
- C'est trop adorable !
Dit-elle en me serrant dans ses bras.
Ce soir là, après
l'amour, je lui dis « je t'aime » pour la première fois.
Ses yeux s'étaient mis à briller et elle s'était mordue la lèvre
inférieure avant de répondre : « Je t'aime aussi ».
C'était donc le grand
soir. Alors que tous venaient d'arriver, mon téléphone vibra dans
la poche de mon blouson. Liese : « Je suis partie du
travail plus tard que prévu. J'aurai dix minutes de retard. Vraiment
désolée... »
Nous nous asseyions tous
autour de la table. Il restait un chaise vide à côté de moi.
Richard dit en regardant la chaise vide entre Schneider et moi :
- Doom, tu ne sais même
plus compter ! Tu as réservé une place en trop.
- Non, non dit
Schneider, Liese devrait arriver.
Il avait annoncé cela
avec un air naturel et détendu. Mais neuf têtes se tournèrent en
même temps vers moi. Je fis un sourire, histoire d'avoir l'air
détendu. Ils savaient tous qui était Liese, mais ils ne
s'attendaient plus à ce que je la leurs présente.
- Tu t'es enfin décidé !
S'exclama Paul en riant.
Il y eu quelques
secondes de silence, puis Sophia, la compagne de Till entama la
conversation avec sa voisine Eva, la petite amie de Richard.
Schneider s'adressa à Till et les conversations prirent bon train,
m'oubliant un instant, ce qui n'était pas plus mal...
Nous prirent un apéritif
en attendant Liese. Alors que la serveuse déposait nos verre sur la
table, je la vis arriver, elle poussait la porte vitrée du
restaurant. Je me levai et me dirigeai vers elle à grand pas. En ce
chaud mois de mai elle avait revêtu une robe noire, un peu trop
courte à mon goût... Enfin, j'imaginait que cette tenue avec sur
les autres hommes le même effet quelle avait sur moi, et un petit
picotement de jalousie se dit sentir dans ma poitrine.
- Bonsoir, dis-je en
arrivant devant elle.
- Je suis vraiment
désolée pour le retard...
Je la coupai en
l'embrassant, puis dis :
- Tu es resplendissante.
Elle sourit. Puis après
un court silence j'ajoutai :
- J'imagine qu'ils sont
tous entrain de nous regarder dans mon dos.
- Peut-être, j'avoue
que j'ai bien trop peur pour jeter un œil !
- Ça va bien se passer,
ne t'inquiètes pas.
Nous nous dirigions donc
vers la grande tablée autour de laquelle étaient assis mes amis.
Ils étaient là à nous regarder en silence. Ils semblaient tous
surpris, mais les têtes de Richard et Till n'avaient pas de prix. Ce
dernier avait la bouche entre-ouverte et Richard les yeux rond comme
des billes. C'est con, mais la lueur d'envie qui passa dans leurs
regards me rendit fier.
_____
13 -
C'est ce soir là
qu'elle entra pleinement dans ma vie. C'est ce soir là que nous
devenions un couple officiel, si je puis dire. J'étais amoureux.
J'étais heureux. Peu importe ce que me réserverait l'avenir, je
pouvais bien mourir demain, je n'avais aucun regret. D'ailleurs,
j'aurais aimé mourir demain, pour que cette sensation de bonheur ne
finisse jamais. Parce que bien sûr la vie était ainsi, elle donnait
tout, reprenait tout. Je savais que dans quelques semaines, quelques
mois, quelques années – Oh ! Pourvu que ce soit des années –
je repenserai à Liese et à cette relation avec la même mélancolie
que lorsque je pense à ce qu'était ma vie avant la chute du Mur.
Mais qu'importait. Là, à cet instant, je goûtais à la vie dans ce
qu'elle avait de plus doux à m'offrir.
Liese, son amour, notre
relation, venait me confirmer que j'avais eu une vie bien remplie.
J'avais vécu des choses extraordinaires. La musique. Rammstein. Mes
amours. Ma fille. Que de belles choses. Avec le recul, la peine ne
comptait plus, c'est comme si elle n'avait jamais existé.
Oui, je peux bien mourir
demain, je n'ai aucun regret.