vendredi 23 janvier 2015

Une inconnue

J'ai laissé ce blog en friche depuis quelques mois. Par manque de temps. Aussi parce que j'ai choisi de complètement réécrire la fin de Nur Götter dürfen uns berühren. Elle viendra. Promis.
En attendant je vous propose cette petite nouvelle. Le nom d'aucun personnage n'est cité dans cette histoire, à vous de choisir qui est le narrateur. Bonne lecture et à bientôt.



J'ai encore du mal à croire que je l'ai réellement vu ce soir. Je repasse encore et encore les quelques secondes dans ma tête, comme s'il s'agissait d'une hallucination.
Il fait chaud dans ma chambre. Allongé en caleçon sur mon lit, je fixe le plafond. La lumière du lampadaire filtrée par le store dessine des rayures sur le mur. Le décor de la pièce s'éloigne et mon esprit se fixe sur cet instant qui s'est déroulé il y a seulement quelques minutes. Je sais que c'était elle. C'est un signe du destin. Je ne prends jamais le métro, je voyage toujours en taxi dans Berlin. En sortant du restaurant après avoir quitté mon ami ce soir, je me suis dirigé vers l'entrée du U-Bahn. Un peu sans y penser, juste comme ça. J'ai acheté mon ticket, j'ai attendu quelques minutes et je suis monté dans la rame entrant en station. C'est là que je l'ai aperçu. Elle était debout sur le quai à quelque mètres en face de moi. Peut-être me regardait-elle ? Tout du moins elle regardait dans direction. Instantanément une étincèle s'est éclairée dans mon cerveau. Les portent se sont refermées alors que je réalisais vraiment. Je n'ai pas pu sortir. Le métro a démarré, et il me semble qu'elle m'a suivi du regard jusqu'à de que je disparaissent dans les ténèbres.

Il s'en est passé des années depuis notre première rencontre. J'ai pensé à elle si souvent. Pas tous les jours, mais presque. Surtout dans les moments de solitude et de mélancolie. Comment aurais-je pu l'oublier ? C'est une de ces rencontres qui marquent un existence. Pas par des faits grandiloquents, juste par un mot, un regard, une attitude.

C'était à Moscou, en 2004 ou 2005, je ne me souviens plus vraiment. Pendant cette tournée, je peux dire qu'on s'était vraiment lâché tous les six. Je suis bien incapable de dire avec combien de jeunes femmes j'ai couché au cours de cette tournée. Au moins une par soir, parfois deux. Je n'en suis vraiment pas fière. J'ai toujours essayé d'être fidèle à mes principes dans la vie. Et ce côté sulfureux de notre métier - les groupies, l'alcool, la drogue - j'ai toujours vécu ça de manière paradoxale. Ce sont des attitudes que je condamne, mais auxquelles je cède toujours avec délice et douleur.
Alors ce soir là, à Moscou, j'avais encore rencontré bon nombre de jeunes femmes à la soirée organisée après le concert. Mais j'étais de mauvais humeur et je n'avais aucune envie de faire un effort pour comprendre l'anglais approximatif des jolies fans autour de moi. Je m'étais assis au bar, tournant le dos à la salle. Il y avait quelques vers vides et une bouteille de vodka devant moi.
Elle s'est assise à côté de moi. J'ai immédiatement été interpellé par son parfum poudré. J'ai lancé un regard en biais dans sa direction. Bien évidemment, j'ai immédiatement été séduit par sa silhouette et son profil. J'ai alors carrément tourné la tête pour l'observé plus en détail et découvrir ses yeux gris, son petit nez légèrement retroussé et sa bouche délicate. À son tour, sans tourner la tête, elle lança un regard dans ma direction. Ses yeux se posèrent à nouveau devant elle. Elle sourit légèrement. Impoli, je continuais à la dévisager.
- Vous comptez me regarder de cette manière sans m'adresser la parole encore combien de temps ? Cela devient presque gênant...
Elle s'était adressée à moi dans un allemand impeccable, sans accent.
J'eus un petit rire. Elle se tourna vers moi et me tendis la main. Je la serrai.
- J'imagine que vous n'avais pas très envie de parler de cela, mais le concert était incroyable.
Une fan, donc. Elle souriait toujours. J'ouvris enfin la bouche.
- Une vodka ?
Elle acquiesça de la tête et je lui servi un verre. Je trinquais avec elle et nous bûmes nos verres d'un trait. Elle fit une légère grimace qui me fit sourire.
- Tu ne peux pas savoir comme cela me fait plaisir que tu parles allemand.
- J'avoue que j'avais tout misé là-dessus pour t'aborder, répondit-elle avant de se mordre la lèvre.
Je la regardais dans les yeux et elle soutenait mon regard, sans ciller. J'avais envie d'elle. Si bien que c'est moi qui baissa le regard en premier.
- Tu m'emmènes boire un verre dans un endroit plus calme ?
- Bien-sûr que oui.
Juste devant l'entrée du club deux voitures avec chauffeurs étaient à la disposition du groupe. J'ouvris la portière à la magnifique créature qui m'accompagnait.
- Où va-t-on ? Demandai-je.
- Je ne connais pas Moscou...
Je ris.
- Le seul endroit que je connais pour aller boire un verre c'est le bar de mon hôtel.
- J'imagine que ce sera parfait.
La voiture démarra et je ne perdis pas une minute pour l'embrasser. La température montait déjà dans l'habitable.
Quelques instant plus tard nous nous retrouvions dans la chambre d'hôtel. Alors que nos caresses devenaient de plus en plus brulantes, je fis ce que je fais toujours lorsque je me retrouve sur le point de coucher avec une groupie. Je demandai :
- Comment t'appelles-tu ?
- Peu importe.
J'arrêtai immédiatement mes gestes.
- Bien sûr que si cela importe.
- Vraiment ?
Je ne répondis rien.
- Je ne suis pas naïve, tu sais. Je sais bien que je suis un simple chiffre sur une liste. Tu oublieras mon nom quelques instants après l'avoir entendu. Demain matin te ne te souviendras plus du goût de ma peau ni de mes baisers. Et dans quelques jours, je ne serai même plus un vague souvenir, tu me confondras avec les centaines de fans auxquelles tu auras fait l'amour. Alors je t'assure, peu importe mon nom. J'ai envie de rester une inconnue ce soir.
L'exactitude de ses paroles me touchèrent en plein cœur. Bien évidement que j'oubliais leurs noms à l'instant même où elles me les disaient. Et oui, ces filles devenaient une sorte de vague souvenir, j'oubliais les visages, les parfums, les courbes. Ne restait en moi que la sensation du désir assouvi. Alors que je réalisai cela mon désir pour elle fut décuplé. Je ne sais pas pourquoi, mais mon sang se mit à bouillir et mon envie d'elle devenait presque douloureuse. Je voulais lui faire l'amour pour qu'elle ne puisse jamais m'oublier.
Je plaquai tout mon corps contre le sien, posai une main sur sa nuque et l'autre sur ses fesses. Elle m'embrassa avec passion, mangeant mes lèvres, plantant ses doigt dans mon dos. Aussi paradoxal que cela puisse paraître plus mon désir augmentait, plus je prenais mon temps. Je savourais chacun de nos gestes. Je lui retirais ses vêtements tout doucement : chacune des parties de son corps étaient découvertes comme une surprise au matin de Noël. Dix ans après, je me rappelle d'absolument tout. Son parfum poudré, ses baisers sucrés, sa peau épicée. Je revois le grain de beauté sur son épaule et un autre dans le creux de sa hanche. Apparaissent devant moi ses deux jolis seins tendus vers moi. Je sens encore la chaleur humide de son sexe, les mouvements voluptueux de ses hanches, la douceur de ses mains., la caresse de ses longs cheveux sur mon visage. Je me revois me noyer dans le ciel orageux de ses yeux.
Chaque geste, chaque sensation, le plaisir absolu, tout est resté gravé avec une parfaite netteté dans ma mémoire. Je ne l'ai jamais oublié et je ne le pourrai jamais. Toutes les autres, les centaines d'autres, toutes celles qui m'ont donné leurs noms sont, comme elle l'a si bien deviné, une sorte de vague souvenir, des corps moites sans visage. Je me souviens seulement de cette inconnue, qui n'a jamais voulu me donner son nom.


Ce soir, dans mon lit, ce souvenir m'empêche de dormir. Je dois retourner à la station de métro. J'attendrai le temps qu'il faudra. Des heures, des jours s'il le faut. Elle finira bien par repasser par là. Je ne veux pas connaître son nom, je voudrais seulement un instant m'enivrer à nouveau de cette inconnue.

jeudi 3 juillet 2014

Nur Götter dürfen uns berühren - 17

Après une petite pause dans le déroulement de Nur Götter dürfen uns berühren, voici le dix-septième chapitre de cette fiction. Pour la lire dès le début, on se retrouve ici. En espérant que la nouvelle Ohne Bedauern vous a plu et que vous êtes contents de retrouver la suite de NGDUB...


L'été 2018 passa en un éclair. Cinq jours par semaines nous nous retrouvions chez Paul pour composer de nouvelles chansons. De son côté Lou enchainait différents contrats avec des magazines et des groupes pour des clips. Elle était, elle aussi, très occupée. Je gardais Adam et l'amenait chez Paul ou chacun d'entre nous s'occupait bien de lui. Je crois que le fils de Till était devenu une sorte de talisman : il était un peu avec nous, à travers Adam.
Un après-midi d'août, alors que nous faisions une pause dans notre travail, je ressentis le besoin de me confier. Je leurs racontais tout : mes problèmes d'impuissance, cette nuit où le matériel avait repris du service, mes sentiments nouveaux pour Lou. Ma culpabilité aussi. Avais-je vraiment le droit de poser ce regard sur elle et de la convoiter ? Après tout, Till était mon meilleurs ami, n'était-ce pas le trahir d'avoir envie de Lou comme cela ? C'était la trahir elle aussi, elle que j'avais pendant des années considéré comme une sœur...
Une fois que j'eus terminer de tout déballer, les quatre autres se regardèrent. Je compris qu'ils avaient déjà bordé le sujet de ma relation avec Lou entre eux. C'est Paul qui parla le premier :
- Richard, on n'est certainement pas là pour te juger ou te dire quoi faire. Mais ça fait des mois qu'on sent venir les choses. Vous habitez ensemble, vous dormez ensemble, tu t'occupes d'Adam comme de ton propre fils... Bref, ça saute aux yeux que votre relation a changé.
- On se demandait simplement quand est-ce que vous alliez en prendre conscience Lou et toi, ajouta Schneider.
- La situation est extrêmement déstabilisante, dit Flake, ça nous pouvons très bien le comprendre. Mais les choses se font naturellement je crois. Est-ce une trahison ? Je ne pense pas. Till ne t'as jamais fait jurer de ne pas convoiter Lou que je sache !
Je fis non de la tête et dis :
- De toute manière Lou est bien loin de se douter et de se rendre compte que les choses changent en moi.
- C'est parce qu'elle n'a pas encore fait son deuil, répondit Paul. Pour le moment elle est trop aveuglée par son chagrin, mais, crois moi, son attitude envers toi change aussi. Elle finira par s'en rendre compte, avec le temps.
- Il faut voir la manière dont elle te prend dans ses bras ou tous les gestes tendres qu'elle a à ton attention. Pour quelqu'un qui ne vous connait pas, il n'y a aucun doute que vous formez un couple, dit Ollie qui s'était tut jusqu'à présent.
Je baissai la tête. Nous restions silencieux pendant un moment puis Schneider dit :
- Richard, je ne sais pas si en nous parlant de ça tu cherches à avoir notre avis ou notre bénédiction, mais voilà ce que je réponds : nous n'avons aucun jugement à porter sur votre histoire. Nous ne sommes en aucun cas légitimes à donner ou non notre bénédiction. Mon avis, si tu souhaites l'entendre, c'est que vous n'avais le droit d'être heureux tous les deux. Si votre bonheur passe par une relation amoureuse, cela me va et je ne peux que vous souhaiter que cela fonctionne pour le mieux. On est tous dans une période plus que difficile. La seule chose à faire est de se serrer les coudes et de se soutenir.
- Schneider a raison, dit Paul. La seule chose que je veux ajouter c'est qu'il faut que tu laisses le temps à Lou. Il ne faut surtout pas la brusquer. Donne lui le temps de tourner la page.
Une larme glissa le long de ma joue jusque dans mon cou. Ollie posa une main sur mon épaule, puis Schneider me tendit ma guitare en disant :
- Allez, au travail ! Elles ne vous pas se composer toutes seules ces chansons.
Nous nous remirent au travail, comme si de rien n'était. Si ce n'est que je me sentais un peu plus léger après m'être confié. Ce qu'ils m'avaient dit m'aidait à me sentir moins coupable et j'avais désormais cette agréable sensation d'être entouré et soutenu.

L'été se déroula donc aux rythme de nos compostions. Finalement c'est Flake et Ollie qui s'occupaient des textes, se sentant plus à l'aise avec les mots. Parfois Schneider, Paul et moi donnions notre avis sur une tournure de phrase ou le choix d'un adjectif. Pour la voix, le choses se firent assez naturellement : Paul et moi endossions le rôle.
On avait aussi demandé à Lou de participer au projet en regardant les textes. Elle avait refusé, c'était trop difficile pour elle. Toutefois elle avait écrit entièrement un texte intitulé « Nur Götter dürfen uns berühren ».
- C'est ma contribution à cet album, si vous l'acceptez, avait-elle dit. Bien sûr si par le suite vous souhaitez des photos, des clips, je serai là. Mais pour l'instant je ne me sens pas le courage de faire plus.
Dans le salon, chez Paul, Flake avait lu le texte à voix haute :

Je suis dans tes bras
Et je sais que nous sommes immortels
Rien ne nous touche
Rien ne nous arrête

Je plonge dans tes yeux
Et je comprends le sens de l'existence
Rien ne peut nous blesser
Rien ne peut nous arriver

Seuls les dieux ont le droit de nous toucher
Mais je sais qu'ils n'oserons pas
Nos cœurs brulent trop fort
Les dieux sont jaloux et ont peur

Nous ne sommes plus qu'un
Et je sais que nous sommes immortels
Rien ne peut nous faire mal
Rien ne peut arriver

Seuls les dieux ont le droit de nous toucher
Mais je sais qu'ils n'oserons pas
Nos cœurs brulent trop fort
Les dieux sont jaloux et ont peur

Pourtant, en tes entrailles
Un serpent s'est logé
Il a grandit et désormais
Il peut te blesser

Envoyé des dieux
Il vient nous rappeler
Que nous ne sommes que poussière
Et il t'a enlevé

Je sais
Les dieux peuvent nous punir
Je sais
Le mal qu'ils peuvent nous faire
Je sais
Les dieux peuvent nous toucher 

Il me sembla que le temps resta suspendu un instant. Lou avait raconté son histoire, en quelques lignes elle avait dit sa peine. Mais ce texte prenait aussi un sens plus universel : qui ne s'est jamais senti immortel ? Qui n'a jamais souffert après la chute ? Ces mots faisaient écho en nous cinq, parce qu'il n'y avait pas si longtemps, nous pensions que Rammstein serait éternel, que nous six étions éternels. Oui, seuls les dieux avaient le droit de nous toucher, et ils ne se sont pas privés de nous rappeler l'ordre des choses.

Paul prit sa guitare. Il joua quelques notes. Je pris mon instrument à mon tour et en moins de cinq minutes nous avions une mélodie. Flake y ajouta le clavier et Ollie une ligne de basse. Derrière sa batterie Schneider n'eut aucun mal à produire un rythme. En quelques minutes l'air était né. En fin d'après-midi nous avions la chanson.
C'est ainsi que fin août nous avions composé une trentaines de chansons, plus ou moins abouties, qui ne restait plus qu'à enregistrer. Il nous restait donc un mois de vacances avant de nous retrouver au studio.



Ces derniers mois avaient été si remplis que je n'avais pas pris le temps de me replonger dans le manuscrit de Till. Cette pause dans la lecture et l'avancement de notre projet me fit le plus grand bien. Mais j'avais promis à Lou. Alors je décidais de profiter de ces quelques semaine pour reprendre le manuscrit. Le soleil filtrait entre les volet clos qui nous protégeait de la chaleur, donnant au salon une atmosphère particulière. Adam dormait paisiblement dans son couffin, sa respiration lente emplissant la pièce. Je m'approchai de la bibliothèque et caressai du bout des doigt la couverture du cahier. Je tournais les pages et repris ma lecture là où je l'avais laissé.



mardi 24 juin 2014

Ohne Bedauern

Je fais une petite pause dans Nur Götter dürfen uns berühren et vous propose cette fiction sous forme de nouvelle. 
Ohne Bedauern met en scène Flake alors qu'il tourne un documentaire qui lui est consacré et Liese, une jeune journaliste. C'est ici l'histoire de leur relation sous une forme légère et humoristique.




1-

Lorsque j'avais vu le projet du rédacteur je lui l'ai immédiatement harcelé pour pour qu'il me confie le projet.
Je travaillais pour Arte depuis un peu plus d'un an. Après des études de journalisme, j'avais envoyé ma candidature spontanée à la chaine. J'avais insisté sur mes origines franco-allemandes et sur le fait que j'étais bilingue. Ma mère était française, mais j'avais toujours vécu en Allemagne et j'étais une berlinoise pure souche... L'entretien s'était bien passé et j'avais été embauchée au service culture.
Je travaillais donc depuis un an chez Arte, lorsqu'un lundi matin, lors de la réunion hebdomadaire du service culture de la chaine, le rédacteur présenta son projet de faire un documentaire sur Chistian Flake Lorenz. Ce dernier avait accepté, il fallait donc un ou une journaliste pour mettre en œuvre ce projet. J'avais immédiatement dit que j'étais tout à fait enthousiaste pour ce travail.
- Pourquoi vous confier ce reportage à vous Liese ?
- Flake Lorenz est un membre du groupe Rammstein dans lequel il joue du clavier. Il a d'ailleurs un statu assez particulier au sein du groupe dans la mesure où il n'a jamais franchement répondu « oui » lorsque les cinq autres lui demandaient s'il faisait ou non partie de Rammstein. Il est né et à grandit en RDA et a fait partie, avant Rammstein, du groupe punk Feeling B dans lequel il jouait avec Paul Landers un des guitariste de Rammstein, avais-je récité comme une parfaite petite écolière.
Jan avait levé un sourcil, signe qu'il était perplexe. Il demanda si quelqu'un d'autre été intéressé. Bien évidemment cet abruti de Roland aurait aimé s'occuper du projet disant qu'il serait bien plus objectif que moi qui semblait être une fan.
- Proposez-moi un projet tous les deux. Je le veux demain à 10h sur mon bureau. Je ferai mon choix en fonction de ce qui me plaira le plus.
Je suis allée dans mon bureau et en suis sortie seulement quand mon projet fut terminé. Il était 2h45 du matin. Il me fallait encore contacter X qui avait écrit un livre sur la musique et les groupe en RDA. Je lui téléphonerai le lendemain pour avoir son accord. Je rentrais chez moi à pied et me couchais enfin, fatiguée mais satisfaite de mon travail. Jan ne pouvais pas ne pas me confier ce reportage. J'étais une grande fan de Rammstein depuis leurs débuts. J'avais eu la chance de les voir jouer leurs premiers concerts dans des bars alors que je n'était qu'une adolescente. Puis j'avais assisté avec bonheur à leur succès. Il y a quelques mois encore j'étais allée les voir sur leur dernière tournée Volkerball où je les avais trouvé au sommet de leur art. J'étais absolument hypnotisée par cette musique si particulière et touchée par les textes. Je vouais une véritable admiration à Till Lindemann d'ailleurs, à la fois pour son charisme et pour son écriture. Bref, je n'envisageait pas passer à côté de ce reportage.
Le lundi suivant, avant la réunion hebdomadaire de la rédaction, Jan nous convoqua Roland et moi dans son bureau : je décrochais le reportage.
_____

2-

J'avais dit oui à Arte et j'attendais de rencontrer la journaliste qui devait se charger du reportage. C'était simplement un premier contact sans caméra ni technicien histoire de discuter du déroulement du reportage. Liese Henze, c'était son nom. Je lui avait donné rendez-vous dans une vieux café que j'aimai bien de Berlin Est, un des rares qui n'avait pas fermé après la chute du Mur. J'étais en avance, comme d'habitude.
- Qu'est-ce que je vous sert avait demandé la serveuse ?
- J'attends quelqu'un qui ne devrait pas tarder.
- Très bien avait répondu le jeune femme avec un joli sourire. Je reviendrai.
9h54 affichait ma montre. Au plus tard elle serait là d'ici six minutes. Je guettais les entrée et sorties dans le café. Une jeune femme aux cheveux roux, le visage plein de tache de rousseur et emmitouflée dans une manteau noir entra dans l'établissement. Elle balaya la salle du regard et je compris que c'était elle. Elle croisa mon regard et un sourire se dessina sur son visage. Je me levais de la banquette sur laquelle je me trouvais pour la saluer.
- Bonjour, dit-elle en me serrant la main. Je suis Liese Henze, la journaliste de Arte.
- Enchanté, répondis-je.
- Je suis très heureuse de vous rencontrer.
Elle avait des yeux verts pétillants et semblait assez jeune. Avant de s'assoir elle retira son échappe et son manteau. Elle portait un pantalon noir très près du corps le laissant aucune place à l'imagination quand à sa silhouette ainsi qu'un pull gris clair légèrement décolleté. Elle avait de très longs cheveux raides dont le roux devenait presque blond sur les pointes.
La serveuse revint vers nous et Liese commanda un café avec du lait.
- Et pour vous ?
- La même chose s'il vous plait.
Le jeune femme me présenta alors son projet :
- Ce qui m'intéresse le plus c'est votre jeunesse et votre vie en RDA. J'aimerai mettre en avant votre expérience de la musique à cette période pour mieux comprendre aussi ci qu'à pu signifier pour vous la chute du mur de Berlin.
- C'est assez original votre intérêt pour cette période, dis-je. Je m'attendais à ce que vous me parliez tout de suite de Rammstein.
Elle sourit.
- Nous allons bien sût parler de Rammstein... Mais en étudiant un peu votre biographie et en lisant vos interviews passées j'ai l'intuition que quelque chose d'important s'est joué pour vous ce 9 novembre 1989. Comme s'il y avait eu un avant et un après...
- Êtes-vous vous-même originaire de RDA ?
- Oui, je suis née à Berlin Est. J'avais neuf ans lorsque le mur et tombé.
Je fis rapidement le calcul dans ma tête : elle avait vingt-six ans.
- Comment avez-vous vécu cet événement ? Demandai-je.
- Je me souviens très bien l'instant où j'ai franchie le Mur avec mes parents pour la première fois. Il y avait un véritable euphorie. Mais très vite cela à laissé place à la déception je crois. Mais ce n'est pas de moi dont il s'agit, mais de vous !
Je souris.
- Alors comment les choses vont-elles se dérouler, ? La questionnai-je.
- J'ai une trame pour le reportage, mais je crois que les choses doivent se faire en fonction de vous et de vos attentes, ce que vous avez envie de dire ou non.
- Dites moi votre trame d'abord.
- J'avais donc envisagé de faire une première partie sur votre enfance et votre adolescence, si bien sûr vous êtes d'accord pour en parler. Une seconde partie sur Feeling B. J'ai déjà interviewer X qui a écrit une ouvrage sur le groupe et la musique en RDA. Une troisième partie sur Rammstein, depuis la naissance du groupe jusqu'à la dernière tournée. Je précise que ce qui m'intéresse c'est votre vécu à vous, je ne veux pas spécialement entrer dans les détails de la vie du groupe. Puis une dernière partie sur ce que vous faites aujourd'hui, en dehors de la musique. Je suis allée voir votre exposition de peinture à la Galerie H., et je sais aussi que vous vous investissez dans une entreprise de location de voiture de collection. Ça c'est mon idée de départ, mais je veux que les choses se passent aussi comme vous le souhaitez.
- Cela me paraît très bien, dis-je. Je n'envisageait rien de mieux.
Elle sourit. Puis la serveuse nous amena nos café au lait. Elle prit immédiatement la tasse dans ses deux mains pour les réchauffer. Cela me fit sourire parce qu'elle était absolument craquante en réalité. Depuis qu'elle avait commencé à m'expliquer le déroulement du projet je ne pouvais m'empêcher de détailler son visage. Ses taches de rousseur s'étalaient depuis son nez jusque sur ses pommettes hautes. Elle avait un piercing discret sur la narine. Ses yeux étaient légèrement maquillé dans les tons chocolats et elle portait un trait de crayon et du mascara noir qui donnaient une profondeur vertigineuse à son regard. Sa bouche rose clair était très sensuelle et appelait aux baisers. Elle avait aussi un cou long et fin et de petits seins ronds joliment mis en valeur par le pull qu'elle portait. Elle but une gorgée de café et repris.
- J'aimerais beaucoup que ce soit vous qui choisissiez les lieux de tournage. Je veux vraiment que ce reportage soit personnel, à votre image.
Elle fouilla dans son sac et en sortit un carnet et un style pour prendre des notes. Je réfléchis un moment et lui dit les lieux qui me tenaient à cœur :
- J'ai un petit studio aménagé dans un garage où je vais souvent lorsque j'ai besoin de me retrouver seul, j'aimerais faire une partie de l'interview ici. On pourrait aussi tourner dans mon appartement. Puis à l'entrepôt où se trouvent mon entreprise de location de voitures. J'aime aussi beaucoup aller me promener sur les marchés et dans les halles.
Elle nota tout sur son carnet. Je la regardait à travers ma tasse de café fumante. Peut-être avec trop d'insistance parce que je la vis rougir. Je détournai mon regard vers là rue pour regarder les passants.
Nous prirent alors rendez-vous la semaine suivant à mon appartement pour la première interview.
- Je serai donc présente, dit-elle, avec deux techniciens pour la prise d'image et de son.
- Très bien, dis-je.
Pour dire vrai, je ne souhaitais pas qu'elle parte tout de suite. J'étais bien en sa compagnie. J'alimentais donc la conversation :
- Vous travaillez depuis combien de temps pour Arte ?
- Depuis un an. J'ai d'abord travaillé sur des reportages sur la gastronomie puis depuis quelques semaine je travaille sur les émissions musicales.
Nous discutions ainsi un peu plus d'une heure puis elle dut d'en aller. Alors qu'elle nouait son écharpe autour du cou je lui proposai de la déposer.
- C'est vraiment très gentil, dit-elle, mais je ne veux pas vous déranger.
- Cela ne me dérange pas.
Alors qu'elle descendait de la voiture devant le bâtiment de Arte je lui dit :
- Cela vous dérange si on se tutoie ?
- Non, pas du tout.
- À la semaine prochaine, alors. Passe une bonne journée.
- Merci. Toi aussi, répondit-elle en souriant.
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3-

J'étais sur un petit nuage. La première rencontre avec Flake s'était tellement bien passée ! Il avait été adorable avec moi, me proposant même de me déposer à la rédaction. Pour être toute à fait franche j'ai été impressionnée par le personnage, bien plus que je ne l'imaginais. Bien sûr Flake n'avait pas le même charisme que Till ou Schneider, mais il m'avait troublé. Il y avait quelque chose de particulier dans son regard et je l'avais trouvé charmeur.
Il m'avait offert un café puis tenu la porte en sortant du bar. Il était venu avec un Trabant et il m'avait ouvert la portière. J'étais à la fois très excitée et gênée : je n'étais pas montée dans une de ces voitures depuis mon enfance, et c'était une sensation très particulière de parcourir Berlin ainsi. J'étais aussi un peu déstabilisée par la manière dont Flake se comportait avec moi. Un véritable gentleman ! Aucun homme ne s'était comporté de cette manière avec moi auparavant.
Je ne m'étais jamais fait la réflexion mais il était bel homme, à sa manière. Il est vrai qu'il était à part par rapport aux cinq autres membres de Rammstein : il n'avait pas un physique tout en muscles, et était plutôt grand et maigre. Et ses lunettes lui donnaient un air de premier de la classe. Depuis la dernière tournée il s'était fait couper les cheveux ce qui lui allait plutôt bien. Lorsqu'il s'était levé pour me saluer, me dominant d'au moins une tête, je m'étais dit que cela devait être agréable de se blottir contre lui. C'est con quand j'y pense ! C'était la première fois que je me faisais ce genre de remarque en rencontrant quelqu'un.
J'avais hâte de la voir à nouveau. Je m'étais sentie si bien avec lui. J'eus presque un petit pincement au cœur lorsque la Trabant tourna le coin de la rue une fois qu'il m'eut déposé.

Je passais la semaine suivante à préparer cette première journée de tournage dans les moindres détails. La veille au soir je me débattais avec ma garde robe, ne sachant pas comment m'habiller le lendemain. En croisant mon reflet dans le miroir je me mis à rire : pouvait on être ridicule à ce point ?! Mais ça en disait long sur mon trouble et mon envie de lui plaire. De manière générale je faisait toujours attention à mon apparence, ne sortant jamais sans un petit peu de maquillage et choisissant mes tenues avec attention. Les seules fois où j'explorais mon dressing en ne sachant que porter c'était pour des rancards qui me tenaient particulièrement à cœur. Mon choix se porta finalement sur un jean slim clair et un gilet noir près du corps. Le tout complété par des bottines noires à talons hauts. Je décidais de mettre une jolie lingerie : les hommes qui ont du goût sentent ces choses là. Le lendemain matin je pris plus de soin que d'habitude pour lisser mes cheveux et me maquiller.

À 10h pile mes deux techniciens et moi sonnions à l'interphone de Monsieur Lorenz. Il ne décrocha pas, se contentant de nous ouvrir la porte. Je laissai mes John et Peter s'engouffrer dans l'ascenseur avec tout leur matériel et pris les escaliers.
- On va chercher le reste, me dis Peter alors que j'arrivais sur le palier du troisième étage.
Je me retrouvais donc devant la porte et sonnai. Flake vient ouvrir. Il portait un sweat marron et un jean.
- Salut, me dit-il avec un grand sourire. Comment vas-tu ?
Il me sera énergiquement la main. Je lui dis bonjour à mon tour.
- Mon caméraman et le preneur de son sont partis chercher le matériel resté dans le camion, dis-je en commençant à prendre les sacoches qu'ils avaient laissé sur le palier.
- Attends, je vais t'aider !
- Oh non je t'en prie, ce n'est pas à toi de faire ça.
Il n'écouta pas et prit une lourde caisse qu'il alla posé dans le salon.
Je fus surprise par la simplicité de son appartement. Je m'attendais à un très grand logement avec du mobiliers design et des canapés en cuir. Mais rien de tout cela. L'appartement était sans aucune prétention avec du mobilier vintage qui me rappelait beaucoup la RDA.
Alors que Peter et John arrivaient avec les dernières caisses de matériel, Flake nous fit du café dans une cafetière italienne. Je décidait qu'il s'installe dans le fauteuil près de la fenêtre et nous mirent le caméra, le micro et les éclairage en place. Nous burent le café offert par Flake avant de commencer.
Il fut donc question de son enfance et son adolescence en RDA ce matin là. Vers midi nous fîmes une pause et Flake nous proposa d'aller dans une petit brasserie se trouvant au coin de la rue.
- Nous allons profiter de la pause déjeuner pour retourner au studio, il nous faut changer de projecteur lumière.
Je me trouvais donc seule avec Flake dans l'appartement. Il enfila une veste en cuir et m proposa d'y aller. Arrivé dans le rue il me proposa un cigarette que j'acceptai. Nous marchions quelques centaines de mètres pour arriver à la brasserie. Comme lors de notre première rencontre il était avenant et sympathique. Après avoir toute la matinée parlé de sa vie à Berlin Est il me demanda de faire part de mes souvenir d'enfance dans cette même ville sous ce même régime. Il y avait un côté très agréable à croiser nos souvenirs, un peu comme si on se connaissait depuis longtemps, comme si on s'était rencontré dans une autre vie.
Puis il fut déjà temps de retourner à son appartement où je l'interviewer pendant encore deux heures. Il restait lui-même face à la caméra, il ne changeait rien. Il gardait cet air un peu timide et surtout très mélancolique. Il avait une capacité étonnante à la fois à témoigner de sa propre vie et à prendre beaucoup de recul sur ce qu'il avait pu vivre.
- Vous semblez très mélancolique à l'évocation de l'Allemagne de l'Est. Vous regrettez cette période ?
- Non, je n'ai pas de regret, mais je fais le constat simple que la chute du Mur ne m'a pas rendu plus heureux que je ne l'étais. Ce qu'on a gagné avec la chute du communisme, on l'a perdu sur d'autres plans. J'avoue que tout ce choix, toute cette diversité m'ennuie. La chute du Mur a aussi été un véritable bouleversement dans notre manière d'aborder la musique. C'était di simple en RDA : on faisait ce qu'on aimait sans se poser de question, sans savoir si nos disques se vendraient ou non, ça on en n'avait rien à faire. Seul comptait le moment présent, le moment où l'on jouait. On faisait de la musique parce qu'on aimait ça et ça nous suffisait. Après la réunification d'autres problématiques se sont posées à nous : faire de la musique s'est mis à signifier faire de l'argent. Cela a été difficile à accepter pour moi.
C'est sur ces paroles que se conclu cette première journée de tournage. John et Peter remballèrent le matériel et je donnais rendez-vous à Flake la semaine suivante pour la deuxième journée de tournage.
Pour me dire au revoir il me serra longuement la main et me regarda intensément dans les yeux. Je me sentis rougir et baissai les yeux. À cette instant je me sentis comme une adolescente, mon cœur battait la chamade et je sentis mes mains devenir moites. Je l'entendis sourire alors que je m'obstinais à regarder le bout de mes chaussures. Sans me lâcher la main, il mit l'autre sur mon épaule et me dit :
- À la semaine prochaine Liese.
- Oui, à la semaine prochaine, dis-je en souriant timidement, le joues plus rouges que jamais.
Je pris sur moi, cessant de faire l'enfant et relevai la tête pour soutenir son regard. Il avait un sourire charmeur. Je lui lâchai la main et pris la décente d'escaliers. Alors que j'atteignais presque l'étage inférieur, il s'écria :
- Attends !
Il descendis les escaliers quatre à quatre et me tendis mon écharpe.
- Il ne faut pas que tu prennes froids.
Je souris en marmonnant un « merci » et m'enfuyais le cœur au bord des lèvres.
Qu'est-ce que je me trouvais ridicule ! Mais bordel j'ai passé l'âge de rougir devant un homme, membre de Rammstein ou non ! Je me serais donné des claques... Il avait du me trouver si nulle et infantile.
_____

4-

J'avais fait mon petit numéro avec elle. S'en trop m'en rendre compte au début puis tout à fait consciemment après. En vérité je ne sais pas trop ce qu'il m'arrivait. Je m'étais séparé de depuis bientôt neuf mois. Après quinze années de mariage. Cela a été une véritable épreuve que d'accepter cette séparation. Tout balayer, après des années de vie commune, et repartir à zéro, la quarantaine passée... J'avais accepté ce reportage sur ma vie parce que je commençais à sortir la tête de l'eau. Cela m'aidait à tourner la page, après je pourrais passer à autre chose, recommencer à vivre.
Si seulement je m'étais attendu à voir cette belle jeune femme arriver pour faire ce reportage... Sa jeunesse, sa beauté m'avaient donné un souffle, un élan incontrôlable. Je n'avais jamais été un homme à femmes comme on dit. Je veux dire que physiquement déjà je n'avais pas l'allure d'un dieu germanique comme Till. Je n'en ai jamais vraiment souffert dans la mesure ou je n'ai jamais été un dragueur et un collectionneur de femmes. J'ai vécu de très belles histoires, deux belles histoire, avec la mère de ma fille puis plus tard avec Jenny. J'avais aussi vécu des relations d'un soir, mais celles-là n'étaient jamais de mon fait et je me laissait volontiers faire par les jeunes femmes qui me convoitaient.
Mais voilà, avec cette Liese je me comportais comme jamais je ne l'avais fait. Je me sentais un homme nouveau. D'autant plus qu'elle semblait charmée. Je crois que c'est aussi sa jeunesse qui me faisait de l'effet. J'avais toujours été avec des femmes de mon âge, les plus jeunes ne m'intéressaient pas, nous n'avions rien en commun souvent. Je connaissais Liese depuis une semaine seulement et j'avais l'impression de parler à une amie de longue date lorsque je me trouvais avec elle. C'était sans doute un peu prématuré de penser cela... Peu importait, je me sentais vivre à nouveau et j'attendais avec hâte la prochaine journée de tournage. Nous verrions bien ce qu'il se passerait. Le plus important pour moi à ce moment là c'était de me sentir vivant.
La semaine s'écoula et nous étions déjà le matin de la seconde journée de tournage. Je fis attention à la manière de me vêtir, ma veste en cuir me donnait un certain charisme me semblait-il.
Nous avions rendez-vous au petit studio que j'avais aménagé dans un vieux garage. Les deux techniciens étaient à l'heure, ils installèrent leur matériel dans la petite pièce où j'aimais me retrouver seul. Je regardais ma montrer : Liese avait cinq minutes de retard. Elle arriva enfin, essoufflée, les cheveux encore mouillés.
- Excusez-moi, dit-elle à notre adresse. J'ai eu une panne d'oreiller, je suis vraiment désolée.
Je regardai ma montre et dit en souriant :
- Dix minutes : c'est n'est presque pas du retard.
Nous nous mirent au travail et l'interview dura pratiquement deux heures. Il fut question des conséquence de la chute du mur sur ma petite vie et des débuts de Rammstein.
Je ne pu m'empêcher de remarquer qu'en séchant naturellement ses cheveux faisaient de jolies ondulations. Malgré son retard, elle avait prit le temps de se maquiller et de choisir soigneusement la petite robe vert foncé qu'elle portait.
À la fin de la journée alors que le matériel était rangé et qu'elle allait à nouveau me dire au revoir je lui proposai d'aller boire un verre. Elle se mordit la lèvre inférieure en souriant.
- Pas ce soir. Mais lorsque le tournage sera terminé, oui je veux bien qu'on aille boire un verre.
- Ça me paraît être une éternité ! M'exclamai-je.
Elle rit. Mais elle avait prit de l'assurance depuis la dernière fois :
- Je suis sûre que tu peux attendre une petite quinzaine de jours.
- Je ne sais pas...
Elle me coupa la parole alors que j'allais insister :
- Au revoir, Flake.
Alors qu'elle passait la porte du studio je lui lançai :
- Cela te va très bien de laisser onduler tes cheveux.
Elle s'arrêta une seconde sur le pas de la porte puis repartit sans se retourner. Je ris tout seul et étais déjà impatient de la revoir la semaine suivante.
C'est con à dire, mais ce petit jeu de séduction me plaisait énormément. J'avais toujours aimé ça, lorsqu'on convoite une femme et qu'on ne sait pas encore si elle va céder ou non. Honnêtement, je n'avais jamais compris Till et Richard qui couchaient avec des femmes quelques heures à peine après les avoir rencontré lors des after show. Ça m'était arrivé, deux ou trois fois, pas plus. Parce qu'il manquait quelque chose, toute ce temps où le désir monte petit à petit et que l'impatience fini par nous tenaillé. C'est toujours plus fort. Et j'adorais par dessus tout voir dans les yeux des femmes cet espèce de gêne doublé d'un certain bonheur. Se sentir désirable les rendait encore plus belles. Quant à moi, cela me donnait une confiance en moi extraordinaire. Malgré mon physique moyen, je savais que je pouvais plaire, notamment grâce à mon attitude de gentleman. Enfin, bref. Tout ce petit jeu de séduction me plaisait !
Puis Liese avait un petit quelque chose en plus. Je ne sais pas si c'était sa jeunesse, ou sa spontanéité. Lorsqu'elle se trouvait seule, à réfléchir ou à prendre des notes sur sin carnet elle avait un visage d'une beauté très froide, elle semblait presque hautaine. Mais à partir du moment où elle s'adressait à quelqu'un quelque chose s'éclairait dans ses yeux et son sourire. Il me semblait même que lorsque c'est à moi qu'elle s'adressait, il y avait une petite flamme en plus dans son regard. Elle plaisait aux hommes, c'était sûr. L'autre fois au café, ou encore à la brasserie, ils se retournaient sur son passage. Je crois que cela aussi faisait partie du défi intérieur que je m'étais lancé. Moi, le grand maigrelet à lunettes, pourquoi ne serais-je pas autorisé à séduire une femme qui jouait en première division niveau beauté ?
C'est sans doute un peu méchant de voir les choses uniquement sous cet angles. En vérité, si Liese n'avait été que belle, je n'aurais pas sourcillé un seul instant sur elle. Toute sa manière d'être ou de parler m'interpelait. Ouais, elle avait vraiment quelque chose en plus.
_____

5-

Moi qui m'étais dit que je me faisait des films... Apparemment pas. Moi, Liese, petite journaliste de rien du tout, me faisait draguer par le claviériste de Rammstein ! C'était juste pas croyable. Et je n'avais qu'une envie : me laisser séduire. Dans ma tête je m'étais dit que c'était simplement mon côté groupie qui parlait, et que la seule chose qui m'attirait était le fait qu'il appartenait à un groupe que j'adorais. Mais en analysant tout ça je me rendais bien compte qu'il y avait autre chose. Il était charmeur, gentil, et taquin aussi. Bref, mon genre d'homme.
Enfin, je dis mon genre d'homme, mais je n'avais pas de genre d'homme. Certaines vous dises tout de suite être attiré par les bruns ou les blond, les sportifs ou les intellos... Si on m'avait posé la question j'aurais été tout à fait incapable de répondre. J'étais sortie avec un paquet de gars (souvent des histoires sans lendemain) tous différents les uns des autres. Il faut bien avouer, j'étais, comme tout le monde, interpellée par les personnes au physique avenant, les mecs bien bâtis. Mais je crois qu'à travers ça c'est l'instinct animal qui parle : les femelles cherchent toutes un mâle fort pour les protéger, non ?
Flake n'était pas un dieu de beauté, il ne faut pas se mentir. Mais il savait y faire avec les femmes, ça je ne pouvais pas le nier. Je pensais même que c'était sa vie de rock star qui lui avait donné ses capacité de séduction. Je n'étais pas dupe, et bien que je n'y sois jamais allé, les fêtes post concert devait être un vrai marché pour choisir des minettes.
Enfin voilà, j'étais sous le charme... Vraiment. Comme une adolescente, le soir en m'endormant je m'imaginait dans ses bras, comme j'avais pu m'imaginer dans les bras de mon prof de littérature dix ans plus tôt. C'était un peu pathétique, mais cela faisait trop de bien de rêver et de retrouver un peu d'insouciance.

Pour le troisième jour de tournage nous devions nous retrouver à son entrepôt de location de voitures anciennes. Flake et son associé avaient monté cette boite il y avait un petit peu plus de quatre ans. Cela lui tenait particulièrement à cœur et ce serait beaucoup intéressant de le voir dans un de ces éléments, autre que la musique. Comme la fois précédent, je pris le plus grand soin à choisir mes vêtements : pantalon noir presque trop moulant et pull blanc, un peu large mais qui laissait voir une épaule ou ou bout de mon ventre selon mes mouvements. Ouais, j'avais envie d'être sexy et de lui plaire. Par provocation et toujours dans ce jeu de séduction, je ne lissait pas mes cheveux et travaillait mes boucles, histoire qu'elles soient plus jolies que la fois d'avant. Perchée sur mes bottines à talons, je filais vers le U-Bahn.
J'étais en avance cette fois-ci, Flake n'était pas encore arrivé et c'est son associé qui m'accueillit. Alors que mes deux techniciens s'installaient, il me fit la conversation :
- Alors c'est vous la journaliste. J'avoue que je ne m'attendais pas à ça.
- Comment ça ? Demandais-je.
- Vous avez plutôt un physique à vous trouver devant la caméra, plutôt que derrière.
Je souris. Décidément j'avais fait le bon choix vestimentaire pour troubler la gente masculine.
- Seriez-vous d'accord pour répondre à des questions face à la caméra ? Demandais-je.
- Peut-on seulement vous refuser quelque chose ?
Nous nous installions rapidement devant la caméra. Il me raconta les début de cette société de location de voitures de collection et comment l'idée leur été venue avec Flake. Dans un second temps je lui demandais de me parler de Flake, de sa personnalité :
- En le côtoyant presque tout les jours, j'ai toujours du mal à croire qu'il fait partie d'un groupe connu au niveau international. Vous savez, il aurait facilement pu prendre la grosse tête. Mais non, il est resté lui-même.
- Vous vous connaissez depuis longtemps ?
- Je ne compte même plus ! Nous étions au collège ensemble. J'étais là lors de ces premiers concert dans le gymnase de l'école. Personne n'aurait misé sur lui à l'époque, c'était vraiment naze ce qu'il faisait ! Mais c'est quelqu'un qui persévère. Il n'a jamais lâché. Je sais qu'il fait tout avec le cœur, avec amour presque. C'est pour cela que ça marche pour lui. C'est aussi pour cela que c'est très agréable d'être son associé. Il travaille avec passion, sans vraiment se poser trop de questions.
- Il a quand même des défauts, demandais-je en souriant.
- Comme tout le monde, bien sûr. Ce qui peut se montrer carrément agaçant c'est son côté mélancolique. Il ne se plaint pas vraiment, mais parfois il prend ces airs de chien battu.
Il rit et moi aussi.
Flake arriva juste au moment où je terminais d'interviewer son associé. En me voyant il le va les sourcils. Je lui fis mon petit sourire en coin dont je connaissais l'effet ravageur, alors que je lui serrait la main pour le saluer.
Le tournage risquait d'être moins pénible que précédemment pour Flake. Nous avions rendez-vous précisément ce jour parce qu'il avait un shooting photos pour faire la promotion de sa société. Je devais me contenter de donner quelques instructions à John et Peter pour afin de filmer cela. Il y au une interview aussi qu'on décida de faire dans une des voitures en faisant un tout. Flake s'installa au volant et Peter place passage avec la caméra. Je m'assis à l'arrière. Je posais donc des question sur le pourquoi de cet investissement dans un ce projet. Il fini par nous conduire jusqu'à la galerie d'art qui exposait quelque uns de ces tableaux. Ce fut l'occasion pour lui de parler d'art.
Une heure plus tard j'aidais Peter et John à remballer.
- Vous pouvez le déposer au bureau ? Demandais-je.
- Pas de soucis.
Alors que nous nous apprêtions à partir Flake m'entraina un peu à l'écart :
- Je vois que tu as pris en considération mes conseils capillaires, dit-il avec un petit rire.
- Effectivement.
Il prit alors un air très sérieux que je ne lui connaissais pas :
- Liese, ça ne va pas être possible...
- De quoi parles-tu ?
- Je vais être obligé de passer te prendre ce soir pour aller boire ce verre. Franchement, je ne peux pas attendre plus longtemps.
Je ris. D'amusement, bien sûr. Mais de plaisir aussi. Parce que moi non plus je n'avais pas vraiment envie d'attendre une semaine de plus sortir boire un verre avec lui. Mais je décidais de faire un peu durer le suspens.
- Ce ne serait pas très professionnel de ma part, tu sais...
- S'il te plait. On a qu'à dire que c'est un rendez-vous professionnel.
- Hum...
Je faisais mine de réfléchir quelques secondes et fini par dire :
- D'accord. Tu passes me prendre à 20h devant les bureaux d'Arte ?
- Avec grand plaisir.
- À ce soir alors.
Je me retournais et me dirigeais vers le camion avec un pas légèrement plus lent que d'habitude. Je savais très bien qu'il me regardais m'éloigner, plein de désir. Enfin, c'est ce que j'espérais.
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6 -

Elle savait aussi s'y prendre pour séduire. Elle avait joué la femme fatale en s'éloignant doucement pour me laisser admirer le balancement de ses hanches. Et cela avait eu l'effet escompté. J'étais complètement pris dans la partie, et j'avais très envie de la gagner.
Le soir même j'avais rendez-vous avec Schneider. Je l'appelais donc pour reporter le rendez-vous au lendemain.
- Salut Schneider, c'est Flake.
- Hey ! Salut, comment vas-tu ?
- Bien, merci. Je t'appelle parce que je ne pourrais pas passer ce soir, comme c'était prévu.
- Hum...
Il avait prit sa voix qui n'exprime rien, on ne sais pas s'il est vexé ou s'il s'en tape. Je détestais cette voix ! Je repris :
- Ça ne te dérange pas trop ?
- Non, non...
Toujours ce ton insupportable...
- Qui a-t-il alors ?
- Rien. C'est juste que l'on se connait depuis une vingtaine d'années, et tu n'as jamais annulé de rendez-vous comme ça, au dernier moment.
Pire que son ton impénétrable, voilà le ton inquisiteur ! Il continua :
- Allez, dis-moi ce que tu as prévu d'autre ?
- J'ai rendez-vous.
- Oui, ça j'avais bien compris merci ! Avec qui ?
- Une fille.
Silence. Je crois que Scheider était vraiment surpris que j'ai en rencard. C'était au près de lui que je m'étais confié ces derniers temps, depuis ma séparation avec Jenny. Il m'avait vu au plus mal et n'avait cessé de me dire qu'il fallait que je sorte, que je rencontre du monde, histoire de me changer les idées. En vain. Il avait fini par abandonné, pensant sans doute que j'allais finir vieux garçon. Après un long silence il dit :
- Je suis vraiment heureux que tu reprennes du service.
Je souris, mais il ne put le voir.
- Cela ne te dérange pas de reporter notre petite soirée à demain ? Demandais-je.
- Non, c'est ok pour demain.
- Merci. À demain alors...
- Oui, à demain. Tu auras des choses à me raconter d'ailleurs.
- Ouais, dis-je en riant.
Je raccrochai.

J'attendais donc devant Arte au volant de ma Trabant avec dix bonnes minutes d'avance. J'avais franchement hâte de la voir sortir du bâtiment. En attendant je me décidais sur le lieu où je voulais l'emmener, sans y parvenir vraiment. Puis tout à coup je me souvins qu'elle m'avait dit adorer les curry wurst que l'on servait sur le champ de foire. J'aimais beaucoup m'y balader moi aussi, dans le temps, lorsque ma fille était encore enfant.
Je reconnus tout de suite sa silhouette dans le hall éclairé. Je sortis donc pour ouvrir la portière côté passager. Il fait sait vraiment très froid dehors. En passant la porte automatique, elle remonta un peu son écharpe et me fis signe dès qu'elle me vit.
- Bonsoir, dit-elle.
- Salut.
Elle s'assis et je fermai la porte une fois qu'elle fut installée. Puis, je m'engouffrai vite à l'intérieur de l'habitacle moi aussi.
- Si tu savais à quel point cela me fait plaisir de monter dans une Trabant ! C'est ma madeleine de Proust ces voiture.
- J'ai cru déceler un certaine excitation chez toi en voyant la voiture lors de notre première rencontre.
Elle rit, d'une voix cristalline qui fit s'envoler des papillons dans mon ventre. Décidément, j'étais bien plus sous le charme que je ne voulais bien l'admettre.
- Où m'emmènes-tu ?
- L'autre jour tu m'as dit adorer les curry wurst qu'on sert à la foire. Comme cela fait des années que je n'y ai pas mis les pieds, je me suis dit que c'était l'occasion.
Je détournai un instant les yeux de la route pour la regarder, elle me souriait.
- C'est une très bonne idée. Mais je vais avoir besoin de mes gants avec ce froid !
Elle farfouilla dans son sac. Elle du sortir son carnet de notes et un livre qu'elle déposa sur la tableau de bord, afin de trouver ses gants. À un feu rouge, je pris le livre, mais je ne parvins pas à lire le titre qui était en langue étrangère.
- C'est du français ? demandai-je
- Oui, répondit-elle.
- Tu parles français ?
- Oui, Monsieur, répondit elle en français et en riant.
- Je me rends compte que tu sais plein de choses sur moi, mais que finalement je ne sais rien du tout de toi...
- C'est ça être journaliste : on sait tout de tout le monde, mais on reste très secret, dit elle avec sérieux avant d'exploser de rire.
Son rire était très communicatif ?
- C'est pour le travail que tu lis ce livre ?
- Oui, l'auteure est très connue en France et elle va faire traduire son premier roman en allemand. Je dois l'interviewer la semaine prochaine. Je n'avais pas encore lu celui-ci : c'est un recueil de nouvelles.
- Tu dois sacrément bien parler français pour t'attaquer à de la littérature. Tu as appris à l'école ?
- En fait, le français est ma langue maternelle, alors que l'allemand est ma langue paternelle, on va dire. J'ai presque toujours parlé français à la maison avec ma mère, puis j'ai pris des cours au collège et au lycée.
- Moi qui te croyais cent pour cent berlinoise...
- Je suis cent pour cent berlinoise ! J'ai toujours vécu ici, c'est ma vie, mon chez moi. J'ai vécu en France seulement une année, lorsque j'étais à la fac. Et, crois moi, j'ai eu du mal à m'adapter à la vie française.
Nous arrivions à destination. En dehors de la voiture elle sera un peu plus son écharpe et enfila ses gants. Quant à moi je fermai mon manteau et montais mon col. Nous nous baladions un moment parmi les manèges.
- Tu veux monter ? Dis-je en m'arrêtant devant une attraction.
- Oh non, j'ai bien trop peur ! Non ce que j'aime par dessus tout c'est ça.
Elle se dirigea à grand pas devant un stand de tire au fusil. Elle tendis un billet de dix euros au forain puis se tourna vers moi :
- Celui qui touche le moins de canards paye les curry wurst. Tu commences.
Je me mis à rire. Liese me surprenait et c'était vraiment très agréable, presque enivrant. La vérité c'était que j'étais plutôt mal barré parce que j'étais franchement nul au tire à la carabine. Enfin je ne dis rien et calais la crosse du fusil contre mon épaule. Du coin de l'oeil j'apercevais le regard vert et intense de la jeune femme.
- Arrête de me lancer ce regard là, ça me déconcentre, dis-je en riant.
- Quel regard ?
- Celui-ci.
Elle explosa de rire. Je tirai une première fois et touchais le petit canard blanc qui défilait à une à trop grande vitesse avec les autres. Je tirai les deux autres coups : ratés. Je posais alors la carabine. Liese eut un petit sourire malicieux en prenant l'arme posée devant elle. Les trois coups atteignirent leurs cibles. Elle gagna un ours en peluche qu'elle donna à un petit garçon se trouvant à côté. Alors que nous reprenions notre chemin je dis :
- De toute manière je comptais t'inviter.
Elle rit au éclats, à tel point que c'était communicatif.
La suite de la soirée fut tout aussi délicieuse. Je ne vis pas le temps passer. En sortant de la brasserie où nous avions fini par nous réfugier, ne supportant plus le vent glacial, elle me prit le bras pour aller jusqu'à la voiture. Une fois de plus j'ouvris la porte passe passager pour la faire entrer. En hésita puis fini par demander :
- Tu me laisserai conduire ?
- Si je dis non je vais passer pour un gros machos qui pense que les femmes ne savent pas conduire...
- C'est probablement ce que je penserais... Mais je ne veux pas te forcer la main.
Je fis un pas vers elle, approchant peut-être un peu trop près mon visage du sien, et dis :
- On ne peux rien refuser à ces yeux là.
Malgré le fait qu'elle était bien emmitouflée dans son écharpe, je pus la voir rougir. JE lui mis alors les clefs dans la main et m'installais place passager donc. Elle sautilla sur place, visiblement très excitée. Elle monta et démarra, puis se retourna vers moi avant d'enclencher la première :
- Tu sais que tu réalise un e mes rêves là ?!
Malgré mes appréhensions, je n'eus pas à me plaindre de sa conduite. Pendant le trajet qui nous menait chez elle je lui racontais l'histoire de cette voiture et l'argent que j'investissais dedans pour son entretien. Je crois que mon côté mélancolique de la RDA s'exprimait pleinement dans le soin que je portais à cette voiture.
Elle se gara devant son immeuble, situé dans l'ex-Berlin Est, pas très loin de chez moi. Je me précipitais dehors pour aller lui ouvrir la portière. Elle riait.
- Gentleman jusqu'au bout, dit-elle alors qu'elle descendais de la voiture.
Je la raccompagnais jusqu'à l'entrée de l'immeuble.
- Merci pour cette délicieuse soirée, dit-elle avant de se mordiller la lèvre inférieure.
Je lui fis mon sourire charmeur. Elle baissa les yeux. Je n'avais qu'une envie, c'était de l'embrasser. Je sentais qu'elle aussi, mais elle se retenais. J'eus l'impression qu'elle lisait dans mes pensées parce qu'elle me sera amicalement dans ses bras et chuchota au creux de mon oreille :
- Parce que le reportage n'est pas terminé...
Elle tapa alors le code d'entrée et commença à pousser la porte. Avant de s'engouffrer à l'intérieur, elle se retourna encore vers moi et déposa un baiser à la fois sur ma joue, à la fois sur ma bouche, juste là à la commissure des lèvres. Elle ne se retourna pas et la porte se ferma sur elle, sur son parfum.
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7 -

Il m'avait fallu faire un effort considérable pour ne pas me jeter à son cou et l'embrasser langoureusement. Je vivais et revivais la scène dans mon esprit, alors que j'étais allongée dans mon lit, incapable de trouver le sommeil. Je ne comprenais pas ce qu'il me prenait. J'étais attirée, vraiment attirée, par un quadragénaire. Il avait eu quarante-trois ans en novembre dernier, j'avais regardé en potassant sa biographie. Je me disais ça là, alors que je me retrouvais seule. Mais lorsque j'étais avec lui, je ne pensais à rien, je profitais de l'instant, c'était tout. Mais en y réfléchissant, c'était un peu bizarre...
Après avoir déposé un chaste (ou presque) baiser sur le coin des lèvres, j'étais rentrée au plus vite dans l'immeuble. La tentation d'aller plus loin était trop forte. Qu'avait-il ressentis, qu'avait-il pensé ? J'étais trop excitée pour lire la moindre expression sur son visage, j'avais fui la tentation. En revivant cela dans mon cerveau bouillonnant la très célèbre phrase d'Oscar Wilde me revint à l'esprit : « La meilleur façon de résister à la tentation c'est d'y céder ». Je me mis à rire au éclats, toute seule dans mon lit.
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8 -

- Raconte. Je veux tout savoir.
J'étais arrivé chez Scheider depuis à peine quelque minutes et je venais à peine de m'assoir sur un fauteuil qu'il commençait déjà son interrogatoire.
- Savoir quoi ?
- Ne fait pas l'imbécile. Le rencard d'hier soir : qui, où et surtout que s'est-il passé ?
- Tu sais quoi Schneider, tu devrais vraiment faire du cinéma. Tu serais absolument parfait dans un rôle d'un agent de la Gestapo ou de la Stasi.
- Bon, dit-il perdant patience, je vais nous chercher des bières et après je veux tout savoir.
Quand il voulait un truc, celui-là, on ne pouvait y couper. C'était assez chiant en général, mais j'étais tellement excitée de ce qu'il m'arrivait... J'avais envie de le partager. Il revint donc avec deux bouteilles de bière et s'assis en face de moi :
- Alors, où l'as tu rencontré ?
- Elle s'appelle Liese, elle est journaliste pour Arte. C'est elle qui fait ce reportage sur moi...
Schneider tentait de resté sérieux, mais il y avait une petite flamme d'excitation dans ses yeux. Il avait envie de savoir la suite. Je le fis languir, en n'ajoutant rien de plus.
- Et elle est comment ?
- Gentille, pétillante. Une très jolie rousse aux yeux verts.
Mon ami souriait carrément, il riait presque. Il dit :
- Tu sais que tu as un sourire absolument idiot collé sur tes lèvres ?
Je fis une grimace, mais je ne parvins pas à effacer ce « sourire idiot » de mon visage.
- S'il y avait seulement mon sourire qui était idiot... Je t'assure que je me sens comme un gamin depuis que j'ai fais sa rencontre...
Je lui racontais alors notre première rencontre au café, puis les journées de tournage. Alors que je lui racontais la soirée de la veille je ressentis à nouveau l'excitation que j'avais éprouvé pendant ces quelques heures. Je racontais la soirée jusqu'au moment où nous étions arrivés en bas de chez elle.
- Et... ? Demanda Schneider. Ne va pas me faire croire qu'elle t'as dit au revoir et qu'elle est descendue de la voiture sans rien de plus !
Je ris.
- Non, je l'ai raccompagné jusqu'à la porte de l'immeuble et j'ai eu droit à un petit baiser juste au coin des lèvres.
- Ton sourire est de plus en plus idiot, constata-t-il. Et rien de plus ? Elle ne t'as pas proposé d'aller boire un dernier verre.
- Je crois qu'elle en avait envie...
Je dis la petite phrase qu'elle m'avait prononcé à l'oreille. J'expliquais que j'avais compris qu'elle ne voulais rien de plus tant que nous devions travailler ensemble pour le reportage.
- J'imagine qu'elle veut rester la plus objective possible.
- Vue son attitude, elle est loin d'être objective crois-moi ! Quand allez-vous vous revoir ?
- À la prochaine journée de tournage, vendredi prochain. Doom, je peux te dire un truc ?
- Ouais.
- T'es une vraie bonne femme ! T'es vraiment trop curieux...
- Ouais... Enfin, mets-toi à ma place une seconde. Tu fais ton dépressif depuis des mois, si bien que je croyais que tu ne te remettrais jamais de ton divorce. Et là, je te retrouve en pleine forme, j'ai l'impression que tu as vingt ans de moins. Pour être franc, ça me fait plaisir de voir que tu reprends le dessus. Je te souhaite vraiment que ça marche. Enfin, je veux pas dire que c'est la femme de ta vie, mais si tu peux au moins tirer ton coup... !
J'éclatai de rire. Eh oui, j'en étais là. Neuf mois sans sexe. Pas que je n'en avais plus la capacité, le matériel marchait toujours, mais je n'en avais pas vraiment envie. Enfin, désormais j'en avais très envie. J'avais envie de Liese. Au fond, je ne voulais pas juste « tirer mon coup » comme le disait si poétiquement Schneider.
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9 -

Les dernières prise de vue et les dernières questions-réponses étaient dans la boite. Il ne restait plus qu'à passer au montage. J'ai bien cru que ce jour n'arriverai jamais ! Une semaine à attendre pour le revoir. Il m'avait téléphoné sous prétexte de ne plus se rappeler notre lieu de rendez-vous pour la fin du reportage. C'était en fait pour prendre des nouvelles, une sorte de coup de file post premier rencard.
Mes assistants venaient de partir et Flake ne perdit pas une minute pour m'inviter à nouveau :
- C'est bien terminé cette fois-ci. Tu n'as plus aucune excuse pour reporter une invitation.
- Tu es si pressé que ça ? Demandai-je, jouant à la provocation.
- Oui.
Sa réponse me stupéfia. Je ne m'attendais pas à ce qu'il se montre aussi direct. Il faut dire que j'avais tendu la perche avec ma question, mais quand même ! Mon choc se traduisit par un petit rire.
- Alors, je passe te prendre ce soir ?
- Malheureusement je travaille tard ce soir...
- Tu travailles un vendredi soir ?
- Oui, je dois aller à un vernissage et rendre un court reportage pour le journal télévisé de demain midi. Donc je vais faire mon interview à la galerie puis je file boucler le reportage au studio.
Il prit son regard mélancolique. Je trouvai ça craquant.
- Par contre je ne travaille pas demain. On peut se faire un brunch chez moi.
- Un brunch ? Répéta-t-il, surpris.
- Oui, répondis-je en faisant un signe de la tête. En plus, il paraît que je ne cuisine pas trop mal.
Il sourit et ajouta :
- C'est la première fois qu'on m'invite à un brunch...
- Il y a un début à tout !
- Tu as quand-même quelques minutes pour boire un café avant de partir ?
Je lui pris le bras pour regarder l'heure sur sa montre : 14h30.
- J'ai une heure et demi devant moi.
Il m'emmena dans le café où nous avions fait connaissance. Je pris un thé, et lui, comme la première fois, dit « la même chose » au serveur.
- Tu prends toujours la même chose que la personne avec qui tu te trouves ?
- Oui, la plupart du temps.
- Pourquoi ?
- Je ne parviens jamais à me décider... Alors lorsque la personne qui se trouve avec moi prend quelque chose que j'apprécie aussi, et bien je dis « la même chose ».
Je souris. J'adorais ça chez lui, le côté « je ne me pose aucune question, je prends les choses comme elles viennent ». Je pris le temps de détailler son visage alors que nous restions silencieux. Il avait des petites rides aux coins des yeux et ses rides d'expression étaient marquées. Je plongeais mes yeux dans les siens, ne parvenant pas à déterminer leur couleur. Ce jour là la couleur dominante était le gris, mais en regardant bien on voyait des taches vertes et marrons. Il me sortit de mes réflexions :
- La manière dont tu me regarde est presque angoissante, dit-il en riant.
Le serveur amena nos thés et nous recommençâmes à discuter. Il me questionna sur l'exposition que j'allais voir ce soir, puis sur l'interview de l'écrivaine française. C'était marrant, lorsque la caméra n'était pas là, c'était lui le journaliste avide de révélations.
- Pourquoi m'inviter à un brunch ?
- Pourquoi pas ?
- C'est très journalistique de répondre à une question par une question.
Cela me fit beaucoup rire. Il faisait toujours des remarques assez déconcertantes mais toujours très justes. Je me demandais si cela faisait partie de son jeu de séduction ou s'il était comme ça avec tout le monde.
Il bougea ses jambes sous la table, me donnant un tout petit coup dans le tibia sans le faire exprès. Je ne sais pas pourquoi je fis cela, mais je posais le bout de ma chaussure sur la sienne, exerçant une légère pression, assez forte et assez longue pour qu'il sache que ce n'était pas par accident. Quand il sentit mon geste il me regarda plus intensément, sans cesser de parler. Puis il posa sa main à côté de la mienne sur la table et caressa furtivement mon pouce du bout de l'index. Je n'écoutais que vaguement ce qu'il disait, me concentrant sur les quelques millimètres carrés de sa peau en contact avec la mienne. S'il savait à qu'elle point j'avais envie de lui à cet instant. Le fait qu'il continuait sa petite caresse me laissait penser que lui aussi. Tous mes sens étaient en éveil. Je laissait son odeur entrer par mes narines m'enivrer carrément : elle m'évoquait la mer et les embruns, le sel. Cela me donnait envie de gouter à sa peau, là, juste sur l'arrête de sa mâchoire, tout près de l'oreille.
Sans vraiment que je m'en rende compte, mon pied qui avait exercé une légère pression sur le sien faisait maintenant de légers mouvements sur son jean, contre son mollet. C'était un mouvement discret, à l'image de son doigt sur ma main. Franchement, je ne saurais pas dire le contenu de notre conversation de cette après-midi là dans ce café : ce n'était plus ma raison qui dirigeait mon être, mais mes sens, mon instinct.
Il fut vraiment trop vite l'heure pour moi de retourner au travail. Il m'y emmena encore une fois avec sa Trabant. Lorsque nous fûmes arrivés devant Arte, je ne pus me retenir plus longtemps je me penchais vers lui. Il fit de même. Alors nos lèvres se trouvèrent. Il mordilla ma lèvre inférieure tout en posant sa main sur ma nuque. Quant à moi c'est sur sa cuisse que je posais une main et le bout de ma langue vint caresser la sienne. Une décharge électrique parcouru mon dos lorsque les mouvement de sa langue se firent plus insistants et plus vigoureux. Notre baiser terminé je le regardais longuement dans le yeux. Il fini par enlever sa main de ma nuque et me dit :
- À demain. Dix heures chez toi ?
- Oui. Bonne soirée.
Je ne sais quelle volonté divine me permis de sortir de la voiture.
Loin d'avoir apaisé mes ardeur, ce baiser attisa mes envies et le lendemain matin me parut être dans des siècles.
_____

10 -

- T'as rendez-vous avec elle à dix heures du matin ?!
C'était Schneider au téléphone. Il appelait pour avoir des nouvelles, soit disant. Je savais bien qu'il qu'il voulait savoir où ça en était de mon histoire avec Liese.
- Ouais.
- Mais c'est un rancard ?
- Bah je crois oui. Elle n'est pas disponible ce soir, elle m'a donc proposé demain matin.
- C'est bien la première fois que je vois ça...
- Moi aussi...
- Qu'allez-vous faire le matin ? Et où est-ce qu'elle t'a donné rendez-vous ?
- Chez elle, elle veux préparer un brunch.
- Chez elle... répéta Schneider avec son air impénétrable. C'est assez bizarre pour un rancard...
- En réalité, je ne t'ai pas encore tout dit...
Je ne lui avait pas encore raconté ce qu'il venait de se passer. L'heure et demi dans le café, pendant laquelle nous nous étions ouvertement dragués, puis le baiser dans la voiture. Il faut dire qu'il me prenait un peu de cours. Cela faisait quelques minutes que j'étais rentré chez moi, encore tout ému, pour ne pas dire carrément excité, par ce qu'il venait de se produire.
- On va dire que demain matin c'est une manière de poursuivre notre rancard de cette après-midi, dis-je à Schneider qui resta sans voix lorsque j'eus évoqués les événement s'étant déroulé il n'y avait même pas une heure.
Je n'avais donné aucun détail, disant simplement qu'on s'était retrouvé au café et qu'avant de partir on s'était embrassé. Après un silence, Schneider dit :
- Alors c'est demain que ça se passe...
- Oh je t'en prie Doom, ne fait pas ta commère !
- Bah quoi ? C'est vrai non ? C'est plutôt à toi d'arrêter de faire ta jeune fille effarouchée. Elle t'as invité chez elle, c'est suffisamment explicite pour comprendre ce qu'il va se passer !
Il n'avait pas tort, et j'avais franchement envie que les « choses » se fassent demain. Mais son côté fouine m'exaspérait un peu. Et pour être tout à fait franc j'avais envie de rester seul pour pouvoir revivre dans mon esprit les évènements de la journée et surtout pour fantasmer sur le rendez-vous du lendemain. Schneider se mit à rire à l'autre bout du fil :
- Allez, j'arrête de faire mon relou ! J'espère que les choses se passerons comme tu le souhaites.
Il raccrocha. C'est sûr, Schneider pouvait être chiant, il avait un côté « je me mêle de tout » assez insupportable, mais il s'avait lâcher prise. Enfin, quand il s'agissait d'évènement set de situations légères, pour ce qui était des choses sérieuses, non, il ne lâchait jamais l'affaire.
Je me retrouver donc chez moi, excité comme un adolescent. J'essayais de m'occuper, mais mon esprit ne parvenait à se fixer sur rien, ni la musique, ni un bouquin... Je fis alors ce que je fais toujours lorsque mon cerveau n'est capable de rien : la cuisine. J'adorai ça faire cuisiner. Ça me détendait. Je fouinais donc dans mes livres de recettes, à la recherche d'une idée. Mon choix s'arrêta sur un ossobuco. Avant d'aller faire les courses je décidai d'inviter ma fille, histoire de partager le repas et parce que je n'avais aucun plaisir à cuisiner pour moi-même.
La cuisine, la présence de ma fille et de son petit ami firent passer la soirée rapidement. Finalement je me couchais un peu après minuit et m'endormis plus facilement que je ne l'aurais pensé, sans doute grâce à la bouteille de vin que j'avais ingurgité presque tout seul...

Voilà, j'y étais. J'attendais devant l'interphone de l'immeuble où habitait Liese, hésitant à appuyer sur le bouton en face du nom indiquant : « L. Henze ». Je me résolu rapidement à le faire, rien ne m'arrive de tellement bon quand je réfléchie trop.
- Oui ? Fit sa voix dans l'interphone.
- C'est Flake.
- Quatrième étage, droite.
Le bruit d'ouverture de la porte se fit entendre et je m'engouffrais dans l'immeuble. Il n'y avait pas d'ascenseur. Je montais les escaliers quatre à quatre, toujours dans le but de ne pas trop avoir à penser ou anticiper quoi que ce soit. Arrivé au quatrième, j'appuyai sur la sonnette au dessus de laquelle était inscrit son nom. Elle ouvrit la porte au bout de quelques secondes. Elle avait remit la tenue de la semaine précédente, celle qui avait produit tant d'effet sur moi et les hommes présents en général. Son pull gris avait glissé laissant apparaître une petit épaule bien dessinée et parsemée de quelques taches de rousseur. Pieds nus, elle me sembla bien plus petite que d'habitude, lorsqu'elle était perchée sur ses talons.
- Salut, dit-elle timidement.
- Salut...
Ah le moment embarrassant du rendez-vous après le premier baiser ! On ne sait jamais trop comment on doit agir. Croyez-moi, à quarante ans passé, on n'a toujours pas la solution. À ce moment précis, sans que je ne le calcula à l'avance, je me comportai en gentleman : je pris sa main et y déposai un baiser. Elle rougit pour se détendre la seconde d'après. Elle semblait visiblement soulagée que j'ai trouvé un moyen de détourner ce moment gênant.
- Ça sent très bon, dis-je.
- J'ai fais des pancakes et je m'apprêtais à faire cuire les saucisses. Entre et fais comme chez toi. Attends, je vais prendre ton manteau...
J'enlevais mon écharpe et mon manteau et lui tendis. Elle me tourna le dos pour les accrocher sur un cintre dans la penderie.
Alors qu'elle s'apprêtait à fermer la porte du placard, je ne sais pas ce qu'il me prit, je m'approchais d'elle et dégageai les cheveux de sa nuque pour y déposer un baiser. Il me sembla qu'elle arrêta de respirer. Je déposai un second baiser. Elle pencha légèrement la tête sur le côté et ramena ses longs cheveux sur son épaule pour me laisser le champ livre. Un troisième baiser, plus près de son oreille. Puis mes bras s'enroulèrent autour de sa taille alors que je déposer un autre baiser, non plus sur sa nuque mais sur l'arrête de sa mâchoire. Elle se retourna alors pour me faire face. Mes mains se retrouvèrent alors contre son dos, sous son pull. Elle se leva sur la pointe des pieds pour m'embrasser la joue, puis, comme la première fois, la commissure des lèvres, et enfin atteindre ma bouche. Le baiser fut encore plus ardent que la veille et Liese passa ses bras autour de mon cou, plaquant tout son corps contre le mien. Son odeur poudrée m'enivra un peu plus. Et le désir se fit plus présent en moi lorsque elle caressa doucement ma nuque de ses doigts tièdes.
Alors que nos respirations se firent plus fortes, je laissais mes doigts parcourir son dos. Ce contact était un véritable délice. Des mois que je n'avais pas tenu de femme dans mes bras, des années que je n'avais pas caressé une peau aussi jeune. Elle passa ses mains sous mes vêtements pour aller caresser mon torse et mes épaules. Je plaquai un peu plus mon bassin contre son ventre, histoire que mon excitation ne fasse plus aucun doute. Elle me regarda dans les yeux avec un petit sourire coquin.
Elle me prit alors par la main pour m'emmener dans la chambre. Elle m'embrassa à nouveau, mais la tendresse du début laissa place à une douce violence. Elle retira précipitamment mon tee-shirt avant de mordiller ma lèvre inférieure et planter légèrement ses ongles dans mon dos. Je lui retirai son pull avant de l'allonger sur le lit. Alors que mes lèvres parcouraient chaque centimètre carré de sa peau je fus surpris de voir un tatouage sur ses côtes : une montre à gousset et deux roses avec une inscription en français. J'embrassai une des roses avant de déposer mes lèvres sur sa hanche, puis juste au dessous du nombril. J'enlevais son pantalon pour découvrir deux autres tatouages : une composition avec un paon et de la vigne vierge sur la cuisse droite et une jarretière autour de la gauche. Alors que je faisais le tour de la jarretière avec le bout des doigts, elle se redressa sur son séant pour venir m'embrasser à nouveau. La situation ma paraissait surréaliste. Je n'arrivais pas à croire que cette merveilleuse créature était entrain de déboutonner ma braguette afin de m'enlever mon jean.
Je me retrouvais debout, en boxer, devant le lit sur lequel elle était assise. Elle embrassa doucement le creux entre ma hanche et mon nombril et la chaleur intense qui s'était logé dans mon bas ventre devint un incendie. Je m'empressait de lui retirer son soutien-gorge qui laissa apparaître des petits seins ronds, tendus vers moi. Je les dévorais alors. Je ne pouvais plus attendre et nous mis nus tous les deux. Allongé sur elle, j'attendis quelques instants avant de laisser mon membre se frayer un chemin en elle, la regardant dans les yeux. Elle profita de ce moment pour m'enlever mes lunettes, ce qui me fit sourire. J'attendis qu'elle les eut posé sur le bord du lit pour entrer en elle. La sensation de son corps chaud et humide autour de moi était au delà de ce que j'avais imaginé et fantasmé.
Alors que je commençais les mouvements de vas et viens, j'enfouis mon visage dans sa nuque tout m'enivrer de son odeur. Pour me concentrer aussi. Neuf mois sans sexe... Alors que je lui faisait l'amour, elle caressait mes fesses, embrassait mon cou, me mordillait le lobe de l'oreille. Sa respiration se faisait plus haletante, et son vagin se resserrait de plus en plus. J'avais besoin d'une pause si je voulais que cela dur plus longtemps. Je basculai sur le lit et lui fit me tourner le dos. Je la pénétrait à nouveau en cuillère. Je pouvais ainsi mieux la serrer dans mes bras, l'embrasser et admirer son corps. Elle emmena ma main vers son bas ventre et tout en accélérant les mouvements de mon bassin je caressait son clitoris. Son corps entier commença à se tendre et les spasmes de son vagins étaient comme un feu d'artifice. Elle jouis enfin et je pu lâcher prise à mon tour, me laissant bercer par cette sensation de petite mort.
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11 -

J'avais rabattue la couette sur nous et m'étais blottie tout contre lui. Il caressait tout doucement mon dos alors que je repassais du doigts les traits de l'ancre tatouée sur son épaule. Il y avait le nom « Jenny » tatoué juste au dessus du dessin. Cela devait être le nom de son ex-femme, je me souvins qu'il avait parlé d'un récent divorce lors d'une des interviews. Il prit mon visage dans ses mains pour m'embrasser puis dit :
- Les tiens sont bien plus beaux.
Je fronçai les sourcils pour exprimer mon incompréhension.
- Les tatouages, dit-il.
Je ris et l'embrassai à nouveau. J'aurais aimé que le temps s'arrête dans la chambre, que nous restions comme ça l'un contre l'autre. Alors que le me faisais cette réflexion, mon ventre se mit à gargouiller bruyamment. Il rit avant de dire :
- J'ai faim moi aussi. J'étais quand-même sensé venir pour un brunch !
Ce fut à mon tour de rire. Flake posa une main sur mes fesses et m'attira encore un peu plus contre lui.
- Quoi que la mise en bouche était loin d'être désagréable, dit-il avant de m'embrasser langoureusement.
Je ne pus m'empêcher de rire une nouvelle fois. Il était trop adorable. Je me sentais tellement bien. Belle, aussi. Mon ventre se mit à nouveau à signifier qu'il fallait qu'on le remplisse.
- Nous allons être obligé de sortir du lit, je crois, chuchota-t-il à mon oreille.
Flake avait enfilé son tee-shirt et son boxer. J'agrafais mon soutien-gorge lorsque qu'il s'approcha de moi pour regarder plus en détail mes tatouages. Je fis comme si de rien n'était, enfilant mon pantalon et mon pull.

Ce n'est rien de dire que la journée fut merveilleuse. Après manger, nous nous retrouvâmes déjà à faire l'amour sur la table de la cuisine. Je crois que nous restions l'après-midi au lit, discutant de tout et de rien entre nos caresses et nos baiser. C'était un ce ces moments hors du temps, où l'on se sent immortels, ou rien ne peut nous atteindre.
Le soir venu Flake me dit :
- Je t'emmène au cinéma et au restaurant. De mon temps c'est ça qu'on appelait un rencard !
Je ris et nous filâmes tous les deux sous la douche.
Flake m'emmena dans un vieux cinéma qui passait la plupart du temps des vieux films allemands ou des grands classiques du cinéma international. Nous avions le choix entre James Bond contre Docteur No et Le Fabuleux destin d'Amélie Poulain et À l'Ouest, rien de nouveau.
- Je suis plutôt cinéma allemand en général, dit-il. Mais je ne suis pas sûr de vouloir aller voir un film de guerre...
Il semblait réfléchir à voix haute en regardant les affiches au dessus de l'entrée. Il se tourna vers moi et me demanda :
- Es-tu d'accord pour que nous rendions hommage à tes origines françaises ?
- Tu sais que c'est un film de fille ?
- Oui, je l'ai déjà vu. Mais je l'ai trouvé très poétique. Ça ne te plait pas ?
- Si ! Pour moi c'est un conte de fée des temps moderne. Il y a toute la partie niaise, bon d'accord, mais le message du film est aussi de dire qu'il faut forcer la chance et que le bonheur ne vient pas tout seul.
- Ah ! J'ai affaire à une grande fan du film, dit-il en riant.
- Après, c'est sûr qu'on ne nous montre pas les difficultés de la vie de couple... Mais ça fait du bien un peu de légèreté.
Il acheta donc les billets pour Le Fabuleux destin d'Amélie Poulain. Dans la salle obscure, au milieu du film, il me chuchota à l'oreille :
- Si ça avait été notre premier rendez-vous, j'aurais passé mon bras autour de tes épaules en faisant mine de m'étirer.
Il fit donc mine de s'étirer et passa son bras autour de mes épaules. Je dis au creux de son oreille :
- Mais c'est notre premier vrai rendez-vous !
Il sourit.
Le reste de la soirée il se comporta vraiment comme si rien ne s'était déjà passé, exagérant son comportement de gentleman. Je ne pouvais m'empêcher de rire lorsqu'il me tendis son bras dans la rue ou me tira la chaise pour que je puisse m'assoir au restaurant. D'autant plus que ce n'était pas du tout un restaurant chic et que son geste était en décalage avec le lieu !
Alors que nous apprêtions à sortir de l'établissement, deux jeunes hommes et une jeune femme abordèrent Flake. Des fans de Rammstein. Il accepta de signer des autographes et de prendre quelques photos. Je l'attendais près de l'entrée. Il fit un sourire désolé en arrivant vers moi et dit :
- Désolé, mais ce sont des choses qui arrivent de temps en temps...
Je lui souris pour lui faire comprendre que ce n'était pas sa faute. Derrière lui, les fans prirent encore des photos avec leurs smartphones.
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12 -

- Pourquoi est-ce que tu ne la présente pas ?
Schneider repassait à l'attaque....
Cela faisait quatre mois que j'avais une relation avec Liese. Cette liaison consistait en un éternel rencard. Nous sortions le soir, plusieurs fois par semaine, et les week-end aussi. J'adorais passer du temps avec elle, et j'aurais aimé que notre relation évolue. Elle aussi, je crois, mais elle était un peu sur la défensive, attendant un geste de ma part. Elle m'avait présenté à ses amis, et depuis peu à son père. Je sentais bien qu'elle attendait que je la présente à mes proches mes je n'y parvenais pas. Pourtant, tout le monde s'attendais à ce que je fasse cela.
- Écoute Flake, ça à l'air d'être plutôt sérieux comme histoire, non ? Quatre mois ce n'est pas rien. Puis tu as l'air bien depuis que tu l'as rencontré. On s'attend vraiment tous à ce que tu nous la présente.
Je savais très bien pourquoi je ne parvenais pas à la faire entrer totalement dans ma vie. Elle faisait partie de ma vie, ça c'était indéniable. Mais cela se passaient tellement bien que j'avais peur de briser quelque chose. Enfin, la vraie raison, je l'avais identifié, et elle était plutôt ridicule... Mes amies c'était les membres du groupe. Je les connaissais depuis des décennies maintenant, je ne savais que trop comment ils fonctionnaient. Surtout avec les femmes. Pour faire bref, j'avais peur que Richard ou Till ne se mettent à la draguer. Liese était tout à fait le genre de fille qu'ils fréquentaient. Et ils ne pouvaient se débarrasser de leur comportement d'éternel séducteur. Ça paraissait être une seconde nature chez eux.
Présenter les choses de cette manière semble vouloir dire que je n'avais confiance ni en Liese, ni en eux. Mais le problème était un peu plus profond. En réalité, malgré mon âge avancé, je n'avais pas totalement confiance en moi. Je m'en rendais compte depuis quelques semaines. Je devenais jaloux, alors que je ne l'avais jamais été. Dans mon esprit je ne cessais de me dire que Liese serait tentée d'aller vers des hommes plus jeunes, ou plus séduisants. Rien dans son comportement ne pouvait laisser penser cela. Elle était amoureuse, un petit peu possessive, elle aussi. Je ne m'étais jamais poser ce genre de problématiques avant, étant donné que j'étais en couple avec des femmes de mon âges, de ma génération, du moins. Mais la jeunesse de Liese, qui m'avait donné un souffle de vie considérable, devenait une source d'angoisse.
Il faut dire aussi que je n'avais jamais rien dit sur son âge aux autres. Ils s'imaginaient sans doute que Liese avait la quarantaine, puisque je ne les avais habitué à rien d'autre jusqu'à présent.
- Schneider, j'avoue que je n'ai pas tout dit à son propos...
Il leva un sourcil, visiblement surpris.
- En fait, je n'ai pas dit un détail qui à toute son importance. Liese est assez jeune.
- Quel âge a-t-elle ? Demanda-t-il, fronçant cette fois-ci les sourcils.
- Elle va bientôt avoir vingt-six ans.
- Ah oui, quand même...
Schneider paraissait dubitatif. Je m'attendais à ce qu'il me sorte un discours moralisateur, me disant qu'avec un écart d'âge aussi grand une relation ne pouvait pas marcher. Mais il ne le fit pas :
- Je comprends que ça puisse être difficile à vivre... J'imagine que tu as sans cesse peur de la perdre, peur qu'elle parte avec quelqu'un de plus jeune. Je te comprends parce que c'était pareil pour moi lorsque j'étais avec Régina.
- J'ai également peur de l'attitude de Till et de Richard, pour être tout à fait franc...
- Ouais. En même temps, cette fille elle à l'air de tenir à toi d'après ce que tu me raconte.
- Bah oui, je crois. Tout dans son attitude me laisse penser qu'elle est amoureuse.
- Vue tes angoisses, j'imagine que toi aussi.
Je ne répondis pas, baissant simplement la tête en souriant. Je n'étais pas très douée pour parler de ce genre de sentiments.
- Il va falloir que je surmonte cette angoisse, parce que je crois qu'elle attend avec impatience que je la fasse véritablement entrée dans ma vie.
- Écoute Flake, je vais t'aider. J'organise un repas au restaurant avec tout le monde, les compagnes aussi. Si cela vient de moi ça fera moins officiel. Puis tu es devant le fait accompli, tu n'as plus le choix.

C'est ainsi que le soir même j'annonçais à Liese l'invitation de Schneider pour la semaine suivante.
- Alors, tu vas me présenter à tes amis... dit-elle les yeux pétillants de bonheur.
- Oui. Ils sont impatients de rencontrer la femme qui me rend heureux.
- C'est trop adorable ! Dit-elle en me serrant dans ses bras.
Ce soir là, après l'amour, je lui dis « je t'aime » pour la première fois. Ses yeux s'étaient mis à briller et elle s'était mordue la lèvre inférieure avant de répondre : « Je t'aime aussi ».

C'était donc le grand soir. Alors que tous venaient d'arriver, mon téléphone vibra dans la poche de mon blouson. Liese : « Je suis partie du travail plus tard que prévu. J'aurai dix minutes de retard. Vraiment désolée... »
Nous nous asseyions tous autour de la table. Il restait un chaise vide à côté de moi. Richard dit en regardant la chaise vide entre Schneider et moi :
- Doom, tu ne sais même plus compter ! Tu as réservé une place en trop.
- Non, non dit Schneider, Liese devrait arriver.
Il avait annoncé cela avec un air naturel et détendu. Mais neuf têtes se tournèrent en même temps vers moi. Je fis un sourire, histoire d'avoir l'air détendu. Ils savaient tous qui était Liese, mais ils ne s'attendaient plus à ce que je la leurs présente.
- Tu t'es enfin décidé ! S'exclama Paul en riant.
Il y eu quelques secondes de silence, puis Sophia, la compagne de Till entama la conversation avec sa voisine Eva, la petite amie de Richard. Schneider s'adressa à Till et les conversations prirent bon train, m'oubliant un instant, ce qui n'était pas plus mal...
Nous prirent un apéritif en attendant Liese. Alors que la serveuse déposait nos verre sur la table, je la vis arriver, elle poussait la porte vitrée du restaurant. Je me levai et me dirigeai vers elle à grand pas. En ce chaud mois de mai elle avait revêtu une robe noire, un peu trop courte à mon goût... Enfin, j'imaginait que cette tenue avec sur les autres hommes le même effet quelle avait sur moi, et un petit picotement de jalousie se dit sentir dans ma poitrine.
- Bonsoir, dis-je en arrivant devant elle.
- Je suis vraiment désolée pour le retard...
Je la coupai en l'embrassant, puis dis :
- Tu es resplendissante.
Elle sourit. Puis après un court silence j'ajoutai :
- J'imagine qu'ils sont tous entrain de nous regarder dans mon dos.
- Peut-être, j'avoue que j'ai bien trop peur pour jeter un œil !
- Ça va bien se passer, ne t'inquiètes pas.
Nous nous dirigions donc vers la grande tablée autour de laquelle étaient assis mes amis. Ils étaient là à nous regarder en silence. Ils semblaient tous surpris, mais les têtes de Richard et Till n'avaient pas de prix. Ce dernier avait la bouche entre-ouverte et Richard les yeux rond comme des billes. C'est con, mais la lueur d'envie qui passa dans leurs regards me rendit fier.
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13 -
C'est ce soir là qu'elle entra pleinement dans ma vie. C'est ce soir là que nous devenions un couple officiel, si je puis dire. J'étais amoureux. J'étais heureux. Peu importe ce que me réserverait l'avenir, je pouvais bien mourir demain, je n'avais aucun regret. D'ailleurs, j'aurais aimé mourir demain, pour que cette sensation de bonheur ne finisse jamais. Parce que bien sûr la vie était ainsi, elle donnait tout, reprenait tout. Je savais que dans quelques semaines, quelques mois, quelques années – Oh ! Pourvu que ce soit des années – je repenserai à Liese et à cette relation avec la même mélancolie que lorsque je pense à ce qu'était ma vie avant la chute du Mur. Mais qu'importait. Là, à cet instant, je goûtais à la vie dans ce qu'elle avait de plus doux à m'offrir.
Liese, son amour, notre relation, venait me confirmer que j'avais eu une vie bien remplie. J'avais vécu des choses extraordinaires. La musique. Rammstein. Mes amours. Ma fille. Que de belles choses. Avec le recul, la peine ne comptait plus, c'est comme si elle n'avait jamais existé.
Oui, je peux bien mourir demain, je n'ai aucun regret.